12 Mars 2012
L'aveu obtenu par le supplice
(repères : thème du corps : présentation générale)
Après les blessures infligées en temps de guerre, voyons les supplices subis par temps de paix. Il est aujourd'hui question des châtiments corporels en matière pénale.
La fonction de la peine sous l'Ancien Régime consistait à punir le condamné par la vive douleur exercée sur son corps.
Mais pas uniquement...
Le passage extrait aujourd'hui concerne la fameuse affaire Calas défendue en son temps par Voltaire. ( le procès et la réhabilitation de Calas)
Précisons ce qui constituait au départ un simple fait divers : le 13 octobre 1761, Jean Calas, de confession protestante, riche négociant toulousain, découvre à son domicile son fils Marc-Antoine, 29 ans, mort étranglé. Croyant à un suicide, il étouffe l'affaire.
Mais la rumeur enfle et se propage. Très vite, le père est soupçonné d'avoir tué son fils pour empêcher la conversion de ce dernier au catholicisme. Le procès s'ouvre et le père est seul à être supplicié.
Le supplice de la roue brise tous les membres mais la souffrance est censée faire avouer le crime...
Voici la défense argumentée de Voltaire dans son célèbre Traité sur la tolérance :
***
« Il paraissait impossible que Jean Calas, vieillard de soixante-huit ans, qui avait depuis longtemps les jambes enflées et faibles, eût seul étranglé et pendu son fils âgé de vingt-huit ans, qui était d'une force au-dessus de l'ordinaire. Il fallait absolument qu'il eût été assisté dans cette exécution par sa femme, par son fils Pierre Calas, par Lavaisse et par la servante. Ils ne s'étaient pas quittés un seul moment le soir de cette fatale aventure. Mais cette supposition était encore aussi absurde que l'autre : car comment une servante zélée catholique aurait-elle pu souffrir que des huguenots assassinassent un jeune homme, élevé par elle, pour le punir d'aimer la religion de cette servante ? Comment Lavaisse serait-il venu exprès de Bordeaux pour étrangler son ami dont il ignorait la conversion prétendue ? Comment une mère tendre aurait-elle mis les mains sur son fils ? Comment tous ensemble auraient-ils pu étrangler un jeune homme aussi robuste qu'eux tous, sans un combat long et violent, sans des cris affreux qui auraient appelé tout le voisinage, sans des coups réitérés, sans des meurtrissures, sans des habits déchirés ?
Il était évident que, si le parricide avait pu être commis, tous les accusés étaient également coupables, parce qu'ils ne s'étaient pas quittés d'un moment ; il était évident qu'ils ne l'étaient pas ; il était évident que le père seul ne pouvait l'être ; et cependant l'arrêt condamna ce père seul à expirer sur la roue.
Le motif de l'arrêt était aussi inconcevable que tout le reste. Les juges qui étaient décidés pour le supplice de Jean Calas persuadèrent aux autres que ce vieillard faible ne pourrait résister aux tourments ; et qu'il avouerait, sous les coups des bourreaux, son crime et celui de ses complices. Ils furent confondus, quand ce vieillard en mourant sur la roue, prit Dieu à témoin de son innocence, et le conjura de pardonner à ses juges. "
Traité sur la tolérance, Voltaire
http://fr.wikisource.org/wiki/Trait%C3%A9_sur_la_tol%C3%A9rance/%C3%89dition_1763/01
Repères à suivre : thème du corps : à l'approche de la mort