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Analyse-Livres & Culture pour tous

Gazette littéraire

La vie de famille ou la littérature ? (3)

 

La vie de famille ou la littérature ? (3)

 

repères : thème de la finance : le feuilleton

 

résumé : A la mort de son père, Théodore de Lauzun est à la tête d'un patrimoine immobilier important. Il décide d'investir l'argent gagné durant la guerre dans des placements en bourse. Il devient un habile homme d'affaires. Pour tous, il est évident qu'il rentre enfin dans les rangs et que sa période sulfureuse a pris fin. La vérité au bout des doigts ne semble plus l'animer. En réalité, il écrit en secret un deuxième roman le mépris de Balthazar Dupuis, publié en mai 1924. Cette œuvre connaît alors un retentissement exceptionnel. On s'entend pour condamner sans appel ce nouveau brûlot. Le scandale finit par dépasser le microcosme parisien pour alimenter les gazettes locales.

Marguerite de Lauzun n'en croit pas ses yeux ; son petit univers vanille-fraise s'effondre...

***

Les premières difficultés conjugales

Marguerite de Lauzun lut avec effarement et colère les critiques assassines du deuxième roman de son époux. Comment avait-il pu lui cacher durant ces quatre dernières années la rédaction d'une œuvre de la même veine que la précédente ? La jeune femme se sentait profondément trahie. De plus, cette contre-publicité fut tellement bruyante qu'elle n'osa plus sortir en ville. Le qu'en-dira-t-on la gênait terriblement. D'ailleurs, ses amies se décommandaient les unes après les autres à ses réceptions de l'après-midi. Elle en connaissait bien le motif. On ne voulait plus avoir de commerce avec la famille d'un écrivain aussi sulfureux. La pauvre épouse se voyait ainsi consignée aux Ormes pour un bon bout de temps. La vérité au risque de la transparence menaçait l'équilibre du couple...

 

Théodore de Lauzun tenta de se justifier en suppliant sa femme de lire au moins son roman et pas seulement les critiques calomnieuses ; il lui expliqua que les tourments d'un homme aux prises avec ses contradictions ne sont pas à balayer d'un simple revers de la main. Si elle lisait ce roman, elle pourrait mieux comprendre l'homme avec lequel elle était mariée. Mais il s'aperçut que ses paroles ne portaient pas ; il prêchait dans le désert. Sa femme n'entendait pas ses explications, elle préférait évoquer ses mensonges. Elle lui jeta à la face : Comment peut-on vivre avec un menteur ? Non, il n'était pas un homme respectable ! lui dit-elle. Elle clôt ainsi la conversation. De son côté, il préféra laisser passer l'orage.


Mais celui-ci mit près de quinze jours à se dissiper. L'écrivain se voyait repousser à chaque tentative de conciliation. Il découvrit à cette occasion la nature réelle de sa femme : dure et orgueilleuse. La mère de Théodore prit aussitôt la défense de son fils, ce qui rendit l'atmosphère familiale totalement étouffante. La belle-mère et la bru s'entendirent pour poursuivre la querelle à chaque occasion. L'une soutenait son fils au travers de l'Art lorsque l'autre le condamnait pour l'atteinte à la considération sociale. Pour l'écrivain, il lui était plus facile de s'isoler en laissant les deux femmes de sa vie s'entre-déchirer. Néanmoins, il comprit qu'il fallait trouver une issue à cette première crise conjugale. Il chercha dès lors une solution.

 

Il proposa à sa femme de poser ses conditions. Flattée, cette dernière n'hésita pas à lui demander de renoncer à l'écriture. Bien entendu, il ne pouvait céder à une exigence qui conditionnait toute sa vie. Les querelles se firent plus nombreuses. Un soir de tension extrême, elle osa même lui demander de choisir entre elle ou la littérature ! Choix impossible à effectuer en vérité. Il aimait à posséder les deux. Comment vivre sans sa femme et comment vivre sans écrire ? Autant mourir ! De lui-même, l'écrivain finit par lui proposer un accord a minima : il continuerait à écrire mais il ne publierait rien sans son accord. À bout d'arguments, Marguerite trouva cette condition suffisante pour lui pardonner ; les déchirements allaient enfin cesser. Si elle espérait un retour à une situation harmonieuse, l'épouse comprit sans détour tout l'avantage qu'elle pourrait tirer de cet avantage ainsi consenti. En son for intérieur, elle mesurait avec une jouissance insigne l'ascendant qu'elle pourrait enfin exercer sur son mari. Elle savoura pleinement ce sentiment de toute puissance. Il existe bien des batailles que l'on a plaisir à gagner...

 

La clôture des comptes

Cet épisode permit à Théodore voir plus clair dans ses contradictions. Il décida de rompre avec son passé de boursicoteur. Il ne voulait plus se compromettre. Il crut opportun de tirer enfin les conséquences de la publication de son roman. Que toute cette boue ne se soit pas abattue pour rien ! La littérature éclaire parfois les recoins obscurs de l'âme. D'ailleurs, sa situation financière lui permettait désormais de regarder l'avenir sans crainte. L'homme d'affaires qui sommeillait en lui fit, là encore, preuve d'une grande prudence. Il prit la décision au mois de janvier 1925 de fermer un compte-titres. Il considéra que ses revenus avaient certes diminué mais que son train de vue ne s'en trouvait pas réellement affecté. Il prit la décision de céder toutes ses participations en Bourse pour les placer dans l'immobilier. Il choisit d'investir dans le foncier parisien. Il avait cette croyance que la pierre ne se déprécie pas. Le Krach boursier de 1929 lui donnerait raison tout en l'épargnant...


Sa femme s'émut du changement opéré dans la nature de leurs revenus. Mais la conversation tourna court. Elle comprit qu'elle n'avait rien à dire. Son mari ne lui avait laissé qu'un droit de veto sur la publication de ses œuvres, pas sur la gestion de ses biens...


repères à suivre : La littérature au risque du mariage

 

 

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