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Analyse-Livres & Culture pour tous

Gazette littéraire

La tentation de la fuite (Tolstoï)

 

La tentation de la fuite (Tolstoï)

Repères : thème du mariage : présentation

La peur de l'engagement

Après avoir vu dans l'article précédent la conception toute particulière du mariage par Dorimène, nous approchons de la date de l'engagement.

Le trouble peut étreindre les promis devant le pari fou sur la vie qu'ils effectuent. Pour illustrer notre propos, il vous est proposé de lire un extrait du journal de Sophie Tolstoï, femme de l'écrivain, qui nous narre, les derniers instants qu'elle a vécus avant d'unir sa vie au grand homme.

Ce dernier hésite puis manque à l'appel : a-t-il fui ?

***

"Le 23 septembre arriva. C’était la date que nous avions choisie pour notre mariage. Ce jour-là, Léon Nikolaïévitch ne vint que pour une minute et en courant. Il s’assit à côté de moi sur les malles déjà bouclées et se mit à me tourmenter en me posant mille questions et en exprimant des doutes touchant l’amour que j’avais pour lui. J’eus même l’impression qu’il aurait voulu s’enfuir, qu’il avait peur du mariage et je fondis en larmes. Ma mère vint auprès de nous et accabla Léon Nikolaïévitch de reproches : « Le moment est bien choisi pour la tourmenter ! C’est aujourd’hui le mariage, la journée est déjà assez lourde. Ensuite toute la route à parcourir et la voilà toute en pleurs ! » Léon Nikolaïévitch, qui semblait éprouver quelques remords, ne tarda pas à nous quitter.

(...)
A six heures, mes sœurs et mes amies se mirent en devoir de m’habiller. J’avais insisté pour qu’on ne fît pas venir de coiffeur et me coiffai moi-même. Les jeunes filles fixèrent sur ma tête un long voile de tulle et des fleurs. Ma robe en tulle aussi, — comme le voulait alors la mode, — était très décolletée et avait des manches courtes. Mes vêtements étaient si ténus, si vaporeux qu’il me semblait être enveloppée d’un nuage. Mes épaules étroites et mes bras osseux de jeune fille non encore parvenue au terme de son développement avaient bien triste aspect. Enfin me voilà prête. Nous attendons que le garçon d’honneur vienne m’avertir que mon fiancé est à l’église. Une heure se passe, davantage même… Personne… L’idée qu’il s’est enfui me traverse l’esprit. Il était si bizarre ce matin ! Au lieu du garçon d’honneur, voici venir le valet de Léon Nikolaïévitch. Au comble de l’inquiétude et de l’agitation, il demande qu’on ouvre immédiatement les malles pour en retirer une chemise. En préparant les bagages de Léon Nikolaïévitch, on avait oublié de lui laisser une chemise propre. Il avait envoyé son domestique en acheter une, mais c’était dimanche et tous les magasins étaient fermés. Bien du temps s’écoula encore avant que le linge fût porté à Léon Nikolaïévitch, qu’il fût habillé et put se rendre à l’église.(...)"


Journal, Sophie Tolstoï, chapitre XII

http://fr.wikisource.org/wiki/Journal_de_la_comtesse_L%C3%A9on_Tolsto%C3%AF/Premi%C3%A8re_partie/Chapitre_XII

 

Repères à suivre : présentation : le bonheur conjugal

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