18 Décembre 2012
Repères : hors-série : le Prince Heureux (O. Wilde)
Restons dans la thématique de la générosité et voyons dans les articles à suivre comment cette dernière peut conduire au sublime.
La Gazette Littéraire pense en cette période de l'année à nos amis les petits. Il leur sera proposé dès aujourd'hui d'entrer doucement dans la magie de Noël avec un conte d'Oscar Wilde.
Il est question d'une statue d'un prince sensible et de sa rencontre prodigieuse avec une hirondelle tournée sur elle-même.
Vous allez assister à une rencontre hors norme...
***
"Tout en haut de la cité, sur une petite colonne, se dressait la statue du Prince Heureux.
Elle était toute revêtue de chèvre-feuille d'or fin. Elle avait, en guise d'yeux, deux brillants saphyrs et un grand rubis rouge ardait à la poignée de son épée. Aussi, on l'admirait
beaucoup.
- Il est aussi beau qu'une girouette, remarquait un des membres du Conseil de ville qui désirait s'acquérir une réputation de connaisseur en art.
- Seulement; il n'est pas aussi utile, ajoutait-il, craignant qu'on ne le prit pour un homme peu pratique. Et certes, il ne l'était pas
-Pourquoi n'êtes vous pas comme le Prince Heureux ? demandait une mère sensible à son petit garçon qui réclamait la lune. Le Prince Heureux n'aurait jamais, songé à demander quelque chose à tout cri.
-Je suis heureux qu'il y ait quelqu'un au monde qui soit tout à fait heureux, murmurait un homme à qui rien n'avait réussi, en regardant la merveilleuse statue.
- Il a vraiment l'air d'un ange, disaient les enfants de la charité en sortant de la cathédrale, vêtus de leurs superbes manteaux écarlates et avec leurs jolies vestes blanches.
- A quoi le voyez-vous? répliquait le maître de mathématiques, vous n'en avez jamais vu un.
- Oh! nous en avons vu dans nos rêves, répondaient les enfants.
Et le maître de mathématiques fronçait les sourcils et prenait un air sévère, car il ne pouvait approuver que des enfants se permissent de rêver.
Une nuit, une petite Hirondelle vola à tire d'ailes vers la cité. Six semaines avant, ses amies étaient parties pour l’Égypte, mais elle était demeurée en arrière.
Elle était éprise du plus beau des roseaux. Elle l'avait rencontré au début du printemps comme elle volait sur la rivière à la poursuite d'un grand papillon jaune, et sa taille svelte avait eu tant d'attrait pour elle qu'elle s'était arrêtée pour lui parler.
- Vous aimerai-je, avait dit l'Hirondelle, qui aimait aller droit au but.
Et le roseau lui avait fait un salut profond.
Alors l'Hirondelle avait voleté autour de lui, effleurant l'eau de ses ailes et y traçant des sillages d'argent.
C'était sa façon de faire sa cour, et ainsi s'écoula tout l'été.
- C'est un ridicule attachement, gazouillaient les autres hirondelles. Ce roseau n'a pas le sou, et il a vraiment trop de famille.
En effet, la rivière était toute couverte de roseaux.
Alors que vint l'automne, toutes les hirondelles prirent leur vol.
Quand elles furent parties, leur amie se sentit isolée et commença à se lasser de son amoureux.
-Il ne sait pas causer, disait-elle ; et, puis, je crains qu'il ne soit volage, car il flirte sans cesse avec la brise.
Et, certes, toutes les fois qu'il faisait de la brise, le roseau multipliait ses plus gracieuses politesses.
-Je comprends qu'il est casanier, murmurait l'Hirondelle. Moi, j'aime les voyages. Donc, qui m'aime doit aimer à voyager avec moi.
-Voulez-vous me suivre? demanda enfin l'Hirondelle au roseau.
Mais le roseau secoua sa tête. Il était trop attacha à son chez lui.
-Vous vous êtes joué de moi, lui cria l'Hirondelle. Je m'en vais aux Pyramides, adieu !
Et l'Hirondelle s'en alla.
Tout le long du jour, elle avait volé et, à la nuit, elle arriva à la ville.
- Où chercherai-je un abri? se dit-elle. J'espère que la ville aura fait des préparatifs pour me recevoir.
Alors, elle aperçut la statue sur la petite colonne. (à suivre)
Repères à suivre : les larmes du Prince heureux