Analyse-Livres & Culture pour tous
16 Août 2010
Le thème du toucher dans la littérature ne pouvait omettre de convoquer Cyrano de Bergerac dans la pièce éponyme de Rostand avec cet avertissement célèbre : "A la fin de l'envoi, je touche"
Repères : thème ses sens : présentation
Dans l'article précédent, nous avons lu un extrait d'Ovide avec le mythe de Pygmalion, aujourd'hui nous ferons honneur à l'avertissement le plus célèbre de la littérature française. Je veux parler de celui lancé par Cyrano de Bergerac dans la pièce éponyme de Rostand.
Le sens tactile ne fait guère l'objet de beaucoup d'attention de la part des auteurs. Il prend toutes ses lettres de noblesse lorsque le toucher ne présente aucun caractère licencieux.
Prenons l'exemple du duel où le contact se fait par la pointe de l'épée. Relisons cette scène où le célèbre hobereau réduit au silence un gentilhomme du meilleur monde....
Apprécions l'effet comique de la répétition du vers « qu'à la fin de l'envoi, je touche »...
" (...)
CYRANO, fermant une seconde les yeux
Attendez ! ... je choisis mes rimes... Là, j’y suis.
Il fait ce qu’il dit, à mesure.
Je jette avec grâce mon feutre,
Je fais lentement l’abandon
Du grand manteau qui me calfeutre,
Et je tire mon espadon,
Élégant comme Céladon,
Agile comme Scaramouche,
Je vous préviens, cher Mirmydon,
Qu’à la fin de l’envoi, je touche !
Premiers engagements de fer.
Vous auriez bien dû rester neutre ;
Où vais-je vous larder, dindon ? ...
Dans le flanc, sous votre maheutre ? ...
Au cœur, sous votre bleu cordon ? ...
– Les coquilles tintent, ding-don !
Ma pointe voltige : une mouche !
Décidément... c’est au bedon,
Qu’à la fin de l’envoi, je touche.
Il me manque une rime en eutre...
Vous rompez, plus blanc qu’amidon ?
C’est pour me fournir le mot pleutre !
– Tac ! je pare la pointe dont
Vous espériez me faire don : -
J’ouvre la ligne,– je la bouche...
Tiens bien ta broche, Laridon !
À la fin de l’envoi, je touche
Il annonce solennellement
ENVOI
Prince, demande à Dieu pardon !
Je quarte du pied, j’escarmouche,
je coupe, je feinte...
Se fendant.
Hé ! là donc
Le vicomte chancelle ; Cyrano salue.
À la fin de l’envoi, je touche.
Acclamations. Applaudissements dans les loges. Des fleurs et des mouchoirs tombent. Les officiers entourent et félicitent Cyrano. Ragueneau danse d’enthousiasme. Le Bret est heureux et navré. Les amis du vicomte le soutiennent et l’emmènent. »
Cyrano de Bergerac, Edmond Rostand, wikisource lien
repère à suivre : le toucher (Daudet)