Analyse-Livres & Culture pour tous
17 Avril 2014
Dans la première partie de notre numéro, nous avons tenté d’approcher la notion d’industrie dans la littérature au fil des siècles. Nous avons cherché son évolution dans la littérature. Cette dernière a témoigné du passage de l’ère de la fabrication artisanale ayant une fonction sociale et symbolique à celle de la fabrication de biens en série souvent déshumanisante. Pour le dire autrement, on est passé d’une industrie définie comme n’importe quelle activité manuelle, travail de l’homme, à une industrie devenue le travail d’anonymes affecté à la production de biens transformés. On voit que le secteur industriel s’est défini uniquement par le résultat terminal, la matière produite (l’acier, le charbon etc…) et non plus par le travail effectué par l’homme. L’évolution du vocable est allée de pair avec la conception utilitaire de l’ouvrier-machine au XIXème siècle. Cependant pour en arriver là, il faut considérer que l’industrie a aussi fait naître beaucoup de promesses en termes de progrès social.
Au XIXème siècle, l’industrie a porté en elle une formidable promesse, celle d’un avenir meilleur pour les générations à venir. C’était en effet l’espoir d’être formé par un apprentissage avant de devenir un maître qualifié. L’industrie gourmande en main d’œuvre a ainsi attiré une population rurale miséreuse désireuse de s’affranchir des caprices des saisons et des mauvaises récoltes. L’industrie a exhalé un parfum véritable, celui du progrès social qui a conduit l’Etat à créer diverses écoles professionnelles pour répondre à un besoin toujours plus grand d’ouvriers qualifiés, notamment de mécaniciens et d’ingénieurs. La révolution industrielle ne pouvait pas être mieux nommée pour signifier le changement économique et social. Il reste que ce progrès a eu un coût sur le plan humain…
Vers le milieu du XIXème siècle, on assiste aussi à une prise de conscience de cette "chosification" du travail de l’homme. On dénonce l’absence de statut de l’ouvrier-machine. La révolution industrielle en Angleterre a servi de sujet d’étude critique à bien des théoriciens, Marx, Engel. La force des mots a conduit à bien des luttes et des révolutions de régimes politiques. A côté de la philosophie et évidemment de la politique, la littérature a aussi pleinement servi de catalyseur. Elle a mis au jour l’abrutissement au sein d’ateliers insalubres de l’homme au travail. Le champ littéraire a ainsi participé à la remise en question des conditions de travail ; la littérature a participé avec d’autres à l’émergence de la notion de classe ouvrière. Déterminée à obtenir des droits, cette dernière se verra obligée de s’organiser pour devenir non plus un objet dissous dans le processus économique mais un acteur incontournable du processus industriel. La longue lutte n’est à ce jour évidemment pas finie en Europe lorsqu’on assiste impuissant à des phénomènes de délocalisation d’usines. Il reste que la plus grande défaite de la classe ouvrière réside dans sa lente disparition du fait de la tertiarisation de l’économie… Mais c’est un autre débat.
Nous verrons dans la deuxième partie de ce numéro au travers de la lecture de deux romans emblématiques l’ambivalence de la question de l’appartenance à la classe ouvrière, entre fardeau ou héritage. C’est sous cet angle précis que notre étude sera placée ainsi qu’il le sera indiqué dans l’article suivant.
Repères à suivre : l’étude : l’ambivalence de l’appartenance à la classe ouvrière, entre fardeau et héritage.