Analyse-Livres & Culture pour tous
20 Juin 2010
L'éloignement du père Goriot n'empêche pourtant pas ses filles de rencontrer leur père pour apurer leurs dettes immenses. Il ne reste à ce dernier que sa lucidité comme seule richesse. La distance réduite dans l'intérêt exclusif de ses filles l'a détruit....
Repères : thème du père : l'étude
Le roman, Le père Goriot, de Balzac nous offre la possibilité de nous interroger sur la problématique suivante : la paternité, une affaire de distance ?
Nus avons vu précédemment que cette distanciation résulte d'un mécanisme résultant du passé révolutionnaire peu avouable. Nous verrons aujourd'hui l'entreprise de dépouillement du père par ses filles.
L'éloignement du père n'empêche pourtant pas les filles de rencontrer leur père en catimini. Un remord, un retour d'affection ?
Seulement des considérations matérielles...
Les deux filles mariées contractent régulièrement des dettes pour leurs toilettes ou pour leur agrément personnel.
Malheureuses en ménage, elles cherchent le bonheur dans les bras d'hommes pour lesquels elles doivent éponger des dettes. La passion qui les gouverne les conduit, ironie du sort, à songer à ce père dont la fortune permet encore d'arranger bien des situations compromettantes. Delphine de Nucingen exprime très clairement la dernière extrémité dans laquelle elle se trouve :
« Je voulais me tuer. Les idées les plus folles me passaient par la tête. Il y a des moments où j'enviais le sort d'une servante, de ma femme de chambre. Aller trouver mon père, folie ! Anastasie et moi nous l'avons égorgé : mon pauvre père se serait vendu s'il pouvait valoir six mille francs.» (page 199)
Ces dernières n'hésitent pas alors à rompre la distance en rencontrant leur père dans la sordide pension Vauquer où le Père Goriot a élu domicile.
Ce dernier qui se trouve réduit à quémander leur affection accepte sans conteste de donner l'argent nécessaire à ses deux ingrates filles.
Cependant l'apurement des dettes conduit le père à déménager par souci d'économie du premier étage à la sous-pente de la pension. Il accepte même progressivement de vendre ses biens mobiliers les plus précieux.
Peu à peu, la misère s'installe dans une indifférence générale, le livrant à la vénalité de sa logeuse. La maladie s'empare de l'homme abandonné de sa famille.
Seul Eugène de Rastignac, impuissant au spectacle familial désolant qui s'offre à sa vue, apporte du réconfort au mourant.
Il reste à ce dernier sa lucidité comme seule richesse. La distance réduite dans l'intérêt exclusif de ses filles l'a détruit....
repère à suivre : la lucidité du Père Goriot