Analyse-Livres & Culture pour tous
8 Octobre 2010
Le thème de la musique dans la littérature offre la possibilité à des auteurs de fiction de nourrir une intrigue comme dans le roman de Dumas, la femme au collier de velours.
Repères : thème de la musique : présentation
Dans l'article précédent, nous avons vu l'hymne guerrier avec la Marseillaise, il sera question aujourd'hui de voir le traitement que la musique réservée par le roman.
C'est sous la plume d'Alexandre Dumas que nous allons découvrir que la musique est un art d'une exigence absolue. Les mots sont au service d'un récit plein de brillance.
Pour cela, il faut un instrument de musique.
Prenez le violon par exemple et voyez ce qu'en pense Maître Gottlieb lorsqu'il reçoit un jeune et présomptueux musicien, amoureux de surcroît de sa fille.
Écoutons la leçon du maître, une invitation à célébrer le culte de l'harmonie...
« Puis, après la pirouette achevée s'arrêtant devant Hoffmann :
- Voyons, jeune présomptueux, dit-il, qu'as-tu fait en composition?
- Mais des sonates, des chants sacrés, des quintetti.
- Des sonates après Jean-Sébastien Bach ! des chants sacrés après Pergolèse ! des quintetti après François-Joseph Haydn !
Ah ! jeunesse ! jeunesse !
Puis, avec un sentiment de profonde piété :
- Et comme instrumentiste, continua-t-il, comme instrumentiste, de quel instrument jouez-vous ?
- De tous à peu près, depuis le rebec jusqu'au clavecin, depuis la viole d'amour jusqu'au théorbe ; mais l'instrument dont je me suis particulièrement occupé, c'est le violon.
- En vérité, dit maître Gottlieb d'un air railleur, en vérité tu lui as fait cet honneur-là, au violon ! C'est, ma foi ! bien heureux pour lui, pauvre violon ! Mais, malheureux ! ajouta-t-il en revenant vers Hoffmann en sautillant sur une seule jambe pour aller plus vite, sais-tu ce que c'est que le violon ? Le violon ! et maître Gottlieb balança son corps sur cette seule jambe dont nous avons parlé, l'autre restant en l'air comme celle d'une grue ; le violon ! mais c'est le plus difficile de tous les instruments. Le violon a été inventé par Satan lui-même pour damner l'homme, quand Satan a perdu plus d'âmes qu'avec les sept péchés capitaux réunis. Il n'y a que l'immortel Tartini, Tartini, mon maître, mon héros, mon dieu ! il n'y a que lui qui ait jamais atteint la perfection sur le violon ; mais lui seul sait ce qu'il lui a coûté dans ce monde et dans l'autre pour avoir joué toute une nuit avec le violon du diable lui-même, et pour avoir gardé son archet. Oh ! le violon ! sais-tu, malheureux profanateur ! que cet instrument cache sous sa simplicité presque misérable les plus inépuisables trésors d'harmonie qu'il soit possible à l'homme de boire à la coupe des dieux ? As-tu étudié ce bois, ces cordes, cet archet, ce crin, ce crin surtout? espères-tu réunir, assembler, dompter sous tes doigts ce tout merveilleux, qui depuis deux siècles résiste aux efforts des plus savants, qui se plaint, qui gémit, qui se lamente sous leurs doigts, et qui n'a jamais chanté que sous les doigts de l'immortel Tartini, mon maître ? (….)"
La femme au collier de velours, Dumas,
source : wikisource
http://fr.wikisource.org/wiki/La_Femme_au_collier_de_velours/Chapitre_III
repère à suivre : Le langage de la musique (La Duchesse de Langeais, Balzac)