6 Octobre 2011
A-t-on vraiment besoin de ces évocations du passé qui encombrent nos têtes ? La Gazette vous propose de lire un extrait d'un texte émanant d'un écrivain et poète surréaliste, René Crevel, qui ne tient pas à convoquer ses souvenirs...
Repères : Thème de la Mémoire : présentation
La mémoire à toute épreuve nous tiendra dès lors en haleine pendant la première partie du mois en compagnie de
Si la mémoire procure de bons ou de mauvais souvenirs, voyons aujourd'hui la mémoire, source même des souvenirs.
A-t-on vraiment besoin de ces évocations du passé qui encombrent nos têtes ?
Est-on finalement toujours heureux d'évoquer nos souvenirs ?
Pour être honnête, on peut dire sans se tromper que la réponse n'est pas toujours affirmative...
Mais prenons le cas d'un avis plus tranché : certains considèrent en effet la mémoire comme une ennemie empêchant l'oubli et comme un obstacle à la vie quotidienne.
La Gazette vous propose de lire un extrait d'un texte émanant d'un écrivain et poète surréaliste, René Crevel, qui ne tient pas à convoquer ses souvenirs...
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« Je ne recollerai pas les morceaux du souvenir.
Le ciel craquelé des puzzles ne ressuscite point la féerie.
Ce que je me suis rappelé ne m'a jamais donné l'impression de vie que par de nouveaux regrets suscités. Aussi, de tous les hommes, les plus tristes et les plus malheureux m'apparaissent ceux qui naquirent doués des meilleures mémoires. Ils ne triomphent point de la mort mais, par la plus inexorable fatalité, chaque transsubstantiation qu'ils essaient, au lieu de prolonger leur passé, tue leur présent. Victimes de leur insuffisance, ils vont, condamnés à ne rien voir du spectacle nouveau qu'ils négligent dans un docile espoir de recommencements, dont au reste nul ne leur saurait suffire.
Pour moi, tout ce que j'ai appris, tout ce que j'ai vu, ne travaillera qu'à mon ennui et à mon dégoût, si quelque nouvel état ne me vaut l'oubli des détails antérieurs. Dès lors comment ne point baptiser ennemie une mémoire aux rappels obstinés ? (...) »
Mon corps et Moi, Mémoire l'ennemie, René Crevel, (1900 – 1935)
Repères à suivre : l'impossible oubli