5 Octobre 2011
Voyons comment un évènement terrible, comme ceux de la Guerre franco-prussienne de 1870-1871, a pu être traduit en mots par Victor Hugo qui retrace la capitulation française dans son recueil, l'Année terrible.
Repères : Thème de la Mémoire : présentation
La présentation du thème de la mémoire se fonde sur les textes suivants :
La Gazette a précédemment mis en avant les bons souvenirs, mais il en existe d'autres qu'on aimerait largement oublier...
Les exemples sont hélas nombreux...
Laissons ceux trop intimes et faisons appel à la seule mémoire collective.
Voyons comment un évènement terrible a pu être traduit en mots et comment le processus de création peut transcender l'horreur d'une situation donnée.
Sur le plan littéraire, la Gazette vous invite à (re)découvrir au travers des évènements de la Guerre franco-prussienne de 1870-1871, comment est décrite l'humiliation de tout un peuple, victime de la lâcheté des gouvernants.
Voici comment, en vers, Victor Hugo retrace la capitulation française dans son recueil, l'Année terrible.
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Ainsi les nations les plus grandes chavirent !
C'est à l'avortement que tes travaux servirent,
O peuple ! et tu dis : Quoi ! pour cela nous restions
Debout toute la nuit sur les hauts bastions !
C'est pour cela qu'on fut brave, altier, invincible,
Et que, la Prusse étant la flèche, on fut la cible ;
C'est pour cela qu'on fut héros, qu'on fut martyr ;
C'est pour cela qu'on a combattu plus que Tyr,
Plus que Sagonte, plus que Byzance et Corinthe ;
C'est pour cela qu'on a cinq mois subi l'étreinte
De ces Teutons furtifs, noirs, ayant dans les yeux
La sinistre stupeur des bois mystérieux !
C'est pour cela qu'on a lutté, creusé des mines,
Rompu des ponts, bravé la peste et les famines,
Fait des fossés, planté des pieux, bâti des forts,
France, et qu'on a rempli de la gerbe des morts
Le tombeau, cette grange obscure des batailles !
C'est pour cela qu'on a vécu sous les mitrailles !
Cieux profonds ! après tant d'épreuves, après tant
D'efforts du grand Paris, sanglant, broyé, content,
Après l'auguste espoir, après l'immense attente
De la cité superbe à vaincre haletante,
Qui semblait, se ruant sur les canons d'airain,
Ronger son mur ainsi que le cheval son frein ;
Quand la vertu croissait dans les douleurs accrues,
Quand les petits enfants, bombardés dans les rues,
Ramassaient en riant obus et biscayens,
Quand pas un n'a faibli parmi les citoyens,
Quand on était là, prêts à sortir, trois cent mille,
Ce tas de gens de guerre a rendu cette ville !
Avec ton dévoûment, ta fureur, ta fierté,
Et ton courage, ils ont fait de la lâcheté,
O peuple, et ce sera le frisson de l'histoire
De voir à tant de honte aboutir tant de gloire !
Repères à suivre : la mémoire, ennemie.