Analyse-Livres & Culture pour tous
10 Septembre 2010
La littérature et la Presse sont liées dans un genre bien précis que constitue la chronique littéraire : prenez celle de Jules Janin qui décrit l'arrêt de l'auteur dans la demeure de Monsieur de la Palice, prétexte à sourire...
Repères : le thème du journal : présentation
Dans l'article précédent, il a été question d'examiner le genre des essais libres dans la Presse ; aujourd'hui nous verrons ce qu'est une chronique littéraire.
Le mot chronique provient du mot chronicus, dérivé du grec khronos, «temps». Une chronique destinée à rapporter des évènements est devenue une partie proprement dite d'un journal. Intéressons-nous à la chronique littéraire, genre affectionné au XIXème siècle.
Jules Janin, critique littéraire réputé, a rédigé une longue chronique d'un homme heureux aux termes de laquelle il narre un voyage en France et en Italie. L'article fourmille de détails et d'impressions … qu'importe puisque la chronique a un rapport particulier avec le temps !
L'extrait qui vous est présenté retrace l'arrêt de l'auteur chez Monsieur de la Palice qui a donné son nom aux lapalissades ou autres truismes.
« (...) Le soir, nous étions à Moulins. Là on se repose, on s’habille, on se fait beau, et six heures après on se met en route; mais pourquoi aller si vite? qui vous presse? qu’avez-vous à faire? Eh! le plaisir d’aller vite; pour quoi donc le comptez-vous? Un postillon chante d’une voix rauque une de nos chansons nationales.
- Postillon, nous sommes à la Palice? - Et il me montre du fouet le vieux château accroupi sur la falaise. Êtes-vous comme moi? il me semble qu’en fait de gloire, rien n’est à négliger. Cette singulière chanson, Monsieur la Palice est mort, qui a dû bien chagriner dans son temps les sires de la Palice, est maintenant une joie pour leur mémoire. A coup sûr, tout braves gens qu’ils étaient dans cette maison, ils ne valaient pas mieux qu’un grand nombre de chevaliers, de gens d’armes et nobles dames dont nous ne savons plus les noms, carent quia vate sacro, comme dit Horace, parce qu’ils n’ont pas été chantés par un poète. Le poète qui a chanté, même de cette façon grotesque, le sire de la Palice, lui a donc rendu le plus grand des services. Il a fait éclore ce nom-là dans la langue vulgaire; il l’a rendu aussi populaire que le nom des barons les plus connus; M. de la Palice et M. de Marlborough seront chantés jusqu’à la fin du monde et quand il ne sera plus question de la question d’Orient. Or, quelle est la maison souveraine dont on puisse en dire autant aujourd’hui ?
Nous visitons le château de la Palice, tout en fredonnant la chanson ; en sa qualité de château, c’est une maison qui s’en va croulante; la cour d’honneur est dépavée, l’herbe est partout; les vaches du château ont remplacé les varlets et les trouvères; la servante est la seule dame du lieu; les enfans jouent sans se douter des grandeurs qu’ils foulent à leurs pieds; on traverse la cuisine pour descendre dans le village. (...) »
Jules Janin, Revue des deux mondes, 1840
source: http://fr.wikisource.org/wiki/Le_Voyage_d%E2%80%99un_homme_heureux
Repère à suivre: la critique littéraire