Analyse-Livres & Culture pour tous
9 Octobre 2010
La musique des mots nous offre le loisir de comprendre le langage qu'offre les notes. Découvrons le message que laisse entendre la duchesse de Langeais avec son morceau joué à l'orgue dans le roman éponyme de Balzac.
Repères : thème de la musique : présentation
Dans l'article précédent, il a été question de l'apprentissage de la musique sous la plume de Dumas, aujourd'hui, nous resterons dans le domaine de la fiction avec Balzac.
La musique peut exprimer plus d'émotions que de simples mots.
L'assertion semble péremptoire.
Vérifions-la auprès de Balzac avec le roman intitulé La duchesse de Langeais.
Icône parisienne, une fière aristocrate a quitté, par dépit, son amant pour se réfugier dans un couvent de carmélites.
Les années ont passé et Montriveau réussit enfin à la retrouver. Il signale bruyamment sa présence auprès de celle qu'il aime toujours.
Mais il est impossible à la religieuse de communiquer avec le monde extérieur. Il ne lui reste qu'une seule possibilité pour s'exprimer : la musique.
La duchesse de Langeais, devenue Soeur Thérèse, qui tient l'orgue comme à son habitude va produire, de manière improvisée, un jeu brillant d'un genre inédit : elle entreprend de narrer avec les tonalités chromatiques de l'instrument le récit de sa vie de recluse : une scène d'anthologie !
Orgue
"L'orgue est certes le plus grand, le plus audacieux, le plus magnifique de tous les instruments créés par le génie humain. Il est un orchestre entier, auquel une main habile peut tout demander, il peut tout exprimer. (...)
La musicienne, passant du majeur au mineur, sut instruire son auditeur de sa situation présente. Soudain elle lui raconta ses longues mélancolies et lui dépeignit sa lente maladie morale. Elle avait aboli chaque jour un sens, retranché chaque nuit quelque pensée, réduit graduellement son cœur en cendres. Après quelques molles ondulations, sa musique prit, de teinte en teinte, une couleur de tristesse profonde. Bientôt les échos versèrent les chagrins à torrents. Enfin tout à coup les hautes notes firent détonner un concert de voix angéliques, comme pour annoncer à l'amant perdu, mais non pas oublié, que la réunion des deux âmes ne se ferait plus que dans les cieux : touchante espérance ! Vint l'Amen. Là, plus de joie ni de larmes dans les airs ; ni mélancolie, ni regrets. L'Amen fut un retour à Dieu ; ce dernier accord fut grave, solennel, terrible. La musicienne déploya tous les crêpes de la religieuse, et, après les derniers grondements des basses, qui firent frémir les auditeurs jusque dans leurs cheveux, elle sembla s'être replongée dans la tombe d'où elle était pour un moment sortie. Quand les airs eurent, par degrés, cessé leurs vibrations oscillatoires, vous eussiez dit que l'église, jusque là lumineuse, rentrait dans une profonde obscurité."
La duchesse de Langeais, Balzac,
source : http://fr.wikisource.org/wiki/La_Duchesse_de_Langeais/1
repères à suivre : La musique obsédante (la sonate de Vinteuil, Proust)