Analyse-Livres & Culture pour tous
6 Octobre 2010
La musique des mots nous amène à voir la littérature s'intéresser au pouvoir de la musique comme avec la lyre d'Orphée tirée des Métamorphoses d'Ovide.
Repères : thème de la musique : présentation
Dans l'article précédent, il a été question de la complainte poétique, emprunt à la musique, découvrons aujourd'hui le pouvoir propre de la musique.
La Littérature s'intéresse au pouvoir de la musique sur l'homme.
Prenez la lyre d'Orphée qui dispose d'un pouvoir magique, celui d'enchanter la nature. Ce don inestimable lui sera fort utile dans le célèbre épisode de sa vie où il est amené à descendre aux enfers pour chercher son épouse, Eurydice, décédée à la suite d'une morsure de serpent au pied.
Orphée charmera par sa musique Charon et Cerbère qui, de part et d'autre du Styx, gardent l'accès des enfers. En outre, il réussira à convaincre les dieux de lui rendre son aimée.
Néanmoins une condition lui est imposée. La respectera-t-il ?
« Il disait, et les frémissements de sa lyre se mêlaient à sa voix, et les pâles ombres pleuraient. Il disait, et Tantale* ne poursuit plus l’onde fugitive, et la roue d’Ixion** s’arrête étonnée, et les vautours cessent de ronger le flanc de Tityus***, et les filles de Bélus**** se reposent sur leurs urnes, et toi, Sisyphe*****, tu t’assieds sur ton fatal rocher. Alors, pour la première fois, des larmes, ô triomphe de l’harmonie ! mouillèrent, dit-on, les joues des Euménides. Ni la souveraine des morts, ni celui qui règne sur les mânes ne peuvent repousser sa prière. Ils appellent Eurydice. Elle était là parmi les ombres nouvelles, et d’un pas ralenti par sa blessure, elle s’avance. Il l’a retrouvée, mais c’est à une condition. Le chantre du Rhodope ne doit jeter les yeux derrière lui qu’au sortir des vallées de l’Averne : sinon la grâce est révoquée.
Ils suivent, au milieu d’un morne silence, un sentier raide, escarpé, ténébreux, noyé d’épaisses vapeurs. Ils n’étaient pas éloignés du but ; ils touchaient à la surface de la terre, lorsque, tremblant qu’elle n’échappe, inquiet, impatient de voir, Orphée tourne la tête. Soudain elle est rentraînée dans l’abîme. Il lui tend les bras, il cherche son étreinte, il veut la saisir ; elle s’évanouit, et l’infortuné n’embrasse que son ombre. C’en est fait ! elle meurt pour la seconde fois : mais elle ne se plaint pas de son époux. Et de quoi se plaindrait-elle ? Il l’aimait. Adieu ! ce fut le dernier adieu, et à peine parvint-il aux oreilles d’Orphée : déjà l’Enfer a reconquis sa proie. »
Les métamorphoses, Ovide, Traduit du latin par Puget, Guiard, Chevriau et Fouquer (1876)
source : http://fr.wikisource.org/wiki/Les_M%C3%A9tamorphoses/Livre_X
* Tantale : puni d'avoir livré aux mortels le nectar et l'ambroisie, le roi de Phrygie est condamné aux enfers à être plongé dans l'eau jusqu'au cou, mais le niveau baisse chaque fois qu'il essaie de boire.
** Ixion : coupable d'ingratitude, ce mortel est condamné aux enfers à être lié à une roue enflammée qui tourne éternellement.
***Tityus puni pour avoir agressé une déesse, le Géant a été condamné aux enfers à se faire dévorer le foie éternellement par des vautours.
**** Bélus : roi africain.
***** Sisyphe est condamné à rouler éternellement un rocher jusqu'en haut d'une colline dont il redescendait chaque fois avant de parvenir au sommet.
repère à suivre : l'hymne de guerre (Marseillaise, Rouget de Lisle)