Analyse-Livres & Culture pour tous
5 Octobre 2010
La musique des mots nous conduits à découvrir les emprunts de la poésie à la musique comme avec la complainte qui est une chanson formée de couplets au sujet tragique.
Repères : thème de la musique : présentation
Dans l'article précédent, nous avons évoqué la comédie-ballet, aujourd'hui, la musique des mots nous mène à la complainte.
Et si nous redécouvrions les emprunts de la poésie à la musique ? Prenons le cas d'une complainte.
Qu'est-ce qu'une complainte ? C'est une chanson formée de nombreux couplets et dont le sujet est le plus souvent sombre, voire tragique.
La poésie, par la simple mélodie de ses mots, s'est inspirée de ce genre musical et a produit des belles œuvres.
Béroalad de Verville
C'est un poète de la Renaissance, à la fois moine soldat et médecin tirant sur l'alchimiste. Découvrons ensemble cette complainte amoureuse, rythmée par les oppositions stylistiques...
D'un triste désespoir ma vie je bourrelle*,
Je la veux obscurcir d'une nuit éternelle,
Puisque je suis si loin de mon heureux soleil,
Car sans âme je vis, sans poumon je respire,
Et absent de mon bien mon douloureux martyre
Ensevelit mon coeur sous l'oublieux sommeil.
Je vis, je ne vis pas, je meurs, je ne meurs pas,
Il n'y a point de vie, il n'est point de trépas,
Mais un ingrat destin sans cesse me tourmente,
Car je ne puis mourir pource que je suis mort,
Et je ne suis pas mort, pour autant que mon sort
Fait qu'encore dans moi un vain esprit se sente.
Je ne suis pas vivant, pour autant que mon cœur
Ne reçoit mouvement, puissance ni chaleur,
Que des heureux brasiers que l'amour y attise :
Je ne suis pas éteint, je ne fais que languir
Pressé de mon tourment : car je ne puis mourir
Si loin de la beauté dont la vie j'ai prise.
Éloigné de mon feu je ne puis m'attiser,
Éloigné de ma mort je ne puis expirer,
Ainsi faut que je vive et faut que je trépasse,
En ma vie est ma mort, en mon bien ma douleur,
En ma nuit ma lumière, en mon mal mon bonheur,
Ainsi mon sort divers même soin me compasse.
Celle qui a ravi par sa force mon cœur,
Qui le fait vivre en moi par sa douce rigueur,
Et qui par ses beaux yeux humblefière, le tue,
L'ôte cruellement, le remet doucement,
Me l'arrache humblement, me le rend fièrement,
Gouvernant mes destins d'une sorte inconnue.
(…)
Enfin bois et rochers où je fais ma complainte,
Lors que pressé de mal dont mon âme est atteinte,
Je me consume en pleurs, en douleurs, en soupirs,
Celez-moi, perdez-moi, et dessous vos ténèbres,
Amortissant le son de mes plaintes funèbres,
Éteignez mon amour, ma vie et mes désirs.
La complainte, Béroalde de Verville (1556-1626)
http://fr.wikisource.org/wiki/Complainte
*tourmente
repères à suivre : la musique des mots IV