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Analyse-Livres & Auteurs-Culture

La Littérature en mouvement : le recul napoléonien (Victor Hugo)

 Le thème du mouvement dans la littérature nous conduit à l'examen d'un mouvement particulier : le recul, celui qui conduit à concéder la place à un vainqueur. Prenons l'exemple de la retraite de Moscou décrite par Hugo dans les Châtiments.
 

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Repères  : thème du Mouvement : présentation

Dans l'article précédent, nous avons vu l'ascension sous la plume de Flaubert, la Gazette vous propose une nouvelle définition du terme mouvement. Après le mouvement ascendant, voyons, celui qui nous invite à opérer un recul.

Défaite

Le honteux repli est paradoxalement à l'honneur aujourd'hui...

Quel meilleur texte que celui de Victor Hugo qui narre la terrible et meurtrière retraite de Moscou des troupes Napoléoniennes.

Vous découvrirez un long extrait du poème magistral en sept parties qui comprend le fameux Waterloo, Waterloo, morne plaine. (II)  

  
L'Expiation

I

Il neigeait. On était vaincu par sa conquête.

Pour la première fois l'aigle baissait la tête.

Sombres jours ! l'empereur revenait lentement,

Laissant derrière lui brûler Moscou fumant.

Il neigeait. L'âpre hiver fondait en avalanche.

Après la plaine blanche une autre plaine blanche.

On ne connaissait plus les chefs ni le drapeau.

Hier la grande armée, et maintenant troupeau.

On ne distinguait plus les ailes ni le centre.

Il neigeait. Les blessés s'abritaient dans le ventre

Des chevaux morts ; au seuil des bivouacs désolés

On voyait des clairons à leur poste gelés,

Restés debout, en selle et muets, blancs de givre,

Collant leur bouche en pierre aux trompettes de cuivre.

Boulets, mitraille, obus, mêlés aux flocons blancs,

Pleuvaient ; les grenadiers, surpris d'être tremblants,

Marchaient pensifs, la glace à leur moustache grise.

Il neigeait, il neigeait toujours ! La froide bise

Sifflait ; sur le verglas, dans des lieux inconnus,

On n'avait pas de pain et l'on allait pieds nus.

Ce n'étaient plus des cœurs vivants, des gens de guerre

C'était un rêve errant dans la brume, un mystère,

Une procession d'ombres sous le ciel noir.

La solitude vaste, épouvantable à voir,

Partout apparaissait, muette vengeresse.

Le ciel faisait sans bruit avec la neige épaisse

Pour cette immense armée un immense linceul.

Et chacun se sentant mourir, on était seul.

- Sortira-t-on jamais de ce funeste empire ?

Deux ennemis ! le czar, le nord. Le nord est pire.

On jetait les canons pour brûler les affûts.

Qui se couchait, mourait. Groupe morne et confus,

Ils fuyaient ; le désert dévorait le cortège.

On pouvait, à des plis qui soulevaient la neige,

Voir que des régiments s'étaient endormis là.

Ô chutes d'Annibal ! lendemains d'Attila !

Fuyards, blessés, mourants, caissons, brancards, civières,

On s'écrasait aux ponts pour passer les rivières,

On s'endormait dix mille, on se réveillait cent.

Ney, que suivait naguère une armée, à présent

S'évadait, disputant sa montre à trois cosaques.

Toutes les nuits, qui vive ! alerte, assauts ! attaques !

Ces fantômes prenaient leur fusil, et sur eux

Ils voyaient se ruer, effrayants, ténébreux,

Avec des cris pareils aux voix des vautours chauves,

D'horribles escadrons, tourbillons d'hommes fauves.

Toute une armée ainsi dans la nuit se perdait.

L'empereur était là, debout, qui regardait.

Il était comme un arbre en proie à la cognée.

Sur ce géant, grandeur jusqu'alors épargnée,

Le malheur, bûcheron sinistre, était monté ;

Et lui, chêne vivant, par la hache insulté,

Tressaillant sous le spectre aux lugubres revanches,

Il regardait tomber autour de lui ses branches.

Chefs, soldats, tous mouraient. Chacun avait son tour.

Tandis qu'environnant sa tente avec amour,

Voyant son ombre aller et venir sur la toile,

Ceux qui restaient, croyant toujours à son étoile,

Accusaient le destin de lèse-majesté,

Lui se sentit soudain dans l'âme épouvanté.

Stupéfait du désastre et ne sachant que croire,

L'empereur se tourna vers Dieu ; l'homme de gloire

Trembla ; Napoléon comprit qu'il expiait

Quelque chose peut-être, et, livide, inquiet,

Devant ses légions sur la neige semées :

« Est-ce le châtiment, dit-il, Dieu des armées ? »

Alors il s'entendit appeler par son nom

Et quelqu'un qui parlait dans l'ombre lui dit : Non.(...)"

L'expiation, Les châtiments, Victor Hugo,

https://fr.wikisource.org/wiki/L%E2%80%99Expiation

repère à suivre  : la descente aux enfers (Dante)

 

  

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F
<br /> <br /> Extraordinaire Victor Hugo, visionnaire... A la fois grandiose et d'une grande simplicité...<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
L
<br /> <br /> La tragique déroute d'une armée autrefois flamboyante.<br /> <br /> <br /> <br />
L
<br /> <br /> Comme c'est terrible la guerre !<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
L
<br /> <br /> Le mouvement est lent dans la défaite...<br /> <br /> <br /> <br />