13 Avril 2011
Le thème du mouvement dans la littérature nous mène à un autre balancement du corps au travers de la danse sous la plume d'un poète célèbre, Schiller, prétexte à former un appel à la liberté
Repères : thème du Mouvement : présentation
Pénétrons toujours plus avant dans les grands courants de pensée de la Littérature.
Allons ensemble en Allemagne sur les terres du Mouvement du Sturm und Drang avec un de ses dignes représentant Schiller.
Sentez-vous l'appel à la liberté, à la redécouverte de la Nature, telles sont les grandes orientations de ce courant de pensée dans la mouvance de Jean-Jacques Rousseau.
Schiller nous entraîne dans une danse évanescente...
VOIS tourner d’un pas flottant les couples, balancés comme les vagues ! Le pied ailé effleure à peine le sol. Vois-je des ombres fugitives délivrées du poids des corps ? des sylphes qui, au clair de lune, entrelacent leur ronde aérienne ? Comme, bercée par le zéphyr, la fumée légère se balance sur les flots argentés, ainsi le pied docile bondit sur la vague mélodieuse de la cadence ; le son des cordes murmurantes soulève les corps éthérés.
Soudain, comme s’il voulait rompre de force la chaîne de la danse, un couple hardi, là-bas, s’élance au plus épais de la ronde. Devant lui se fraye subitement le passage, qui, derrière lui, disparaît ; il semble qu’une main magique lui ouvre et lui ferme le chemin. Vois ! à l’instant il s’est évanoui aux regards : dans un fougueux pêle-mêle croule et se confond l’élégante structure de cette mobile création… Non ! le voilà qui flotte encore et ressort triomphant ; le nœud se débrouille ; l’ordre n’a fait que se rétablir avec un nouvel attrait. Toujours détruit, ce monde tourbillonnant se reproduit toujours, et une loi muette dirige le jeu de ces métamorphoses. Parle ! d’où vient que les figures vacillent, sans cesse renouvelées, et que le repos subsiste dans ce mouvant tableau ? que chacun, maître et libre, n’obéit qu’à son propre cœur, et, dans cette course rapide, trouve l’unique chemin ? Veux-tu le savoir ? C’est la puissante déesse de l’harmonie qui ordonne en bel ensemble de danse les bonds désordonnés ; qui, pareil à Némésis* , dirige avec le frein d’or du rythme la bruyante allégresse, et apprivoise sa fougue.
Et c’est en vain que pour toi retentissent les harmonies de l’univers ? Le torrent de ce sublime concert ne te saisit-il pas ? ni la cadence ravissante que tous les êtres te marquent ? ni le tourbillon de la danse qui, à travers l’éternel espace, lance de brillants soleils dans les routes hardiment entrelacées ? Ce que tu respectes pourtant dans le jeu, tu le fuis dans l’action : la mesure !"
Danse, Gedankengedichte, Schiller, traduit par ADOLPHE RÉGNIER.
https://fr.wikisource.org/wiki/La_Danse_%28tr._R%C3%A9gnier%29
*. Déesse de la juste mesure et de la répression, ennemie de tout excès et de tout désordre. (A.R.)
repères à suivre : la Révolution (Ménard)