Analyse-Livres & Culture pour tous
3 Juin 2010
Découvrons un extrait d'une nouvelle de Maupassant, le père, qui traite de l'affection d'un père pour son fils qu'il découvre après l'avoir abandonné.
Repères : thème du père : présentation : une figure paternelle
Dans l'article précédent, nous avons présenté le sommaire du mois consacré au thème du père dans la littérature. Débutons aujourd'hui par la présentation.
Cette dernières s'effectuera par un mélange des genres que la Gazette affectionne particulièrement en suivant une gradation du "bon"père au père tyrannique.
Nous débuterons aujourd'hui par la première figure, si vous le voulez bien.
Découvrons un extrait d'une nouvelle de Maupassant qui traite de l'affection d'un père pour son fils.
Précisons le propos :
Après avoir séduit une jeune fille qu'il a abandonnée enceinte, François Tessier découvre au détour d'un parc son ancienne maîtresse avec... son fils.
L'émotion est immense pour cet homme qui se sent prêt à tout pour ce petit être.
Une soudaine prise de conscience qui n'est pas du goût de tous...
« Il la regardait de loin, n'osant pas approcher. Le petit garçon leva la tête. François Tessier se sentit trembler. C'était son fils, sans doute. Et il le considéra, et il crut se reconnaître lui-même tel qu'il était sur une photographie faite autrefois.
Et il demeura caché derrière un arbre, attendant qu'elle s'en allât, pour la suivre.
Il n'en dormit pas la nuit suivante. L'idée de l'enfant surtout le harcelait. Son fils! Oh! s'il avait pu savoir, être sûr ? Mais qu'aurait-il fait?
Il avait vu sa maison; il s'informa. Il apprit qu'elle avait été épousée par un voisin, un honnête homme de moeurs graves, touché par sa détresse. Cet homme, sachant la faute et la pardonnant, avait même reconnu l'enfant, son enfant à lui, François Tessier.
Il revint au parc Monceau chaque dimanche. Chaque dimanche il la voyait, et chaque fois une envie folle, irrésistible, I'envahissait, de prendre son fils dans ses bras, de le couvrir de baisers, de l'emporter, de le voler.
Il souffrait affreusement dans son isolement misérable de vieux garçon sans affections; il souffrait une torture atroce, déchiré par une tendresse paternelle faite de remords, d'envie, de jalousie, et de ce besoin d'aimer ses petits que la nature a mis aux entrailles des êtres.
Il voulut enfin faire une tentative désespérée et, s'approchant d'elle, un jour, comme elle entrait au parc, il lui dit, planté au milieu du chemin, livide les lèvres secouées de frissons:
- Vous ne me reconnaissez pas?
Elle leva les yeux, le regarda, poussa un cri d'effroi, un cri d'horreur, et, saisissant par les mains ses deux enfants, elle s'enfuit, en les traînant derrière elle.
Il rentra chez lui pour pleurer.
Des mois encore passèrent. Il ne la voyait plus. Mais il souffrait jour et nuit, rongé, dévoré par sa tendresse de père.
Pour embrasser son fils, il serait mort, il aurait tué, il aurait accompli toutes les besognes, bravé tous les dangers, tenté toutes les audaces. »
Le père, Maupassant
http://clicnet.swarthmore.edu/litterature/classique/maupassant/pere.html
repère à suivre : le père que l'on découvre ( Alain-Fournier)