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Analyse-Livres & Culture pour tous

Gazette littéraire

La fermeture de la librairie Bolingbroke (1)

La fermeture de la librairie Bolingbroke (1)

 

Le feuilleton de la Gazette Littéraire : la fermeture de la librairie Bolingbrooke
Repères : thème de la diffusion : feuilleton

La mondialisation au travers du prisme d’une librairie

A l’appui des documents proposés et de vos propres connaissances, vous expliquerez en partant de ce cas particulier le sort qui est réservé aux librairies dans le monde et les moyens dont elles disposent pour résister. (4 heures).

Tel était le devoir sur table proposé un samedi matin du mois de novembre 2013.

Deux tableaux contenaient des données chiffrées sur la fermeture des librairies en Europe et en Amérique du Nord. Les trois textes suivants étaient soumis à la sagacité des élèves :

"Liquidation totale avant fermeture définitive de la librairie Bolingbroke qui a constitué depuis vingt-cinq ans la meilleure librairie du quartier.

Venez et acheter les derniers éléments du stock à prix cassés !"

"Amazon m’a tuer !"

 

"La fermeture définitive de la librairie Bolingbroke vient s’ajouter à la longue liste de librairies ayant mis la clé sous la porte depuis le début de l’année 2013 à Londres. Après plus de vingt-cinq années de services rendus auprès d’une clientèle d’habitués, la voici contrainte de céder son fonds de commerce. L’absence d’encadrement des loyers commerciaux et la concurrence du géant de l’e-commerce, Amazon, ont contribué à la fermeture de la dernière librairie indépendante du quartier. Son gérant, Scott Lindle explique qu’il entend poursuivre son métier en créant sa propre librairie virtuelle, à charge pour lui de délivrer les ouvrages commandés en ligne tous les samedis sur le stand du marché qu’il a ouvert à cet effet sur Northcote road.

Recul en arrière ou nouvel avenir pour la profession ?"

 

****

 La mondialisation au travers du prisme d’une librairie de quartier sembla un sujet bien inintéressant pour le jeune Victor Dupuis, élève en Terminale ES, dans un bon lycée parisien. Assis seul au dernier rang de la classe, il observa ses coreligionnaires, serrés les uns aux autres. Ces derniers découvrirent comme lui le sujet de la composition qui les avait contraints à se lever si tôt ce samedi matin. Agé de dix-sept ans, teint diaphane et boutonneux, les cheveux blonds avec une mèche en biais tombant sur les yeux qui dissimulait un profond mal être, notre jeune garçon n’était pas davantage ravi de la matinée qui se présentait ainsi à lui.

 

Il  calcula qu’il n’était pas entré depuis des années dans un tel lieu, « bon pour les vieux », comme il le disait en plaisantant. « La preuve, ma mère y passe tout son temps lorsque ce n’est pas chez les bouquinistes. D’ailleurs, si je compte bien, tous ses meilleurs amis sont dans l’univers du livre ! » Un fossé générationnel pour lui. Lorsque le fils regardait sa mère rentrer avec sa mine réjouie portant un sac apparemment sans fond que n’aurait pas désavoué Mary Poppins, rempli d’ouvrages hétéroclites, à l’état plus ou moins douteux, il en grimaçait chaque fois. Comment peut-on payer des choses aussi vieilles et sales ? s’interrogeait-il. L’adolescence aime la propreté, c’est bien connu ! Il ne pouvait s’empêcher de faire des remarques désobligeantes à sa mère qui en profitait alors pour fustiger son inculture. « Lire, c’est vivre ! » Cette dernière citation déclenchait chez le jeune garçon des sarcasmes. « Eh bien, je suis mort depuis longtemps !  Ne dis plus un mot puisque je ne fais plus partie du monde des vivants ! » Le ton montait graduellement avant de finir par retomber dès lors que les deux générations retournaient dépitées dans leurs pénates, le salon rempli de livres sur des rayonnages multiples pour la mère, la chambre contenant de nombreux appareils Hi-Tech pour l’adolescent. On était entré dans une nouvelle ère où les livres étaient bien en perte de vitesse dans la tranche des 13-20 ans. Les livres recélaient pour ce segment de la population un défaut majeur, un vice même rédhibitoire. Il fallait  les ouvrir avant de tourner les pages. Pire, il fallait faire constamment un effort de concentration. Cette démarche est apparue avec le temps impossible à réaliser  avec la concurrence des écrans de toutes sortes offrant du divertissement à bon compte.

 

C’est la raison pour laquelle cette dissertation décidément n’inspirait pas notre jeune élève. Il aurait eu davantage d’idées si on lui avait parlé de chaînes de restauration soumises à cette même mondialisation ! Il en connaissait un rayon pour y passer un bon nombre de ses heures creuses avec Paul, son meilleur ami. Tous les autres allaient au café huppé du lycée, le café des Ecoles, où ils refaisaient bruyamment le monde ! Victor et Paul préféraient l’atmosphère plus populaire de la « junk food » qui s’accordait parfaitement avec la modicité de leur argent de poche. Non !  Il lui fallait revenir à l’univers des livres ; il grommela dans sa barbe à peine naissante ; il se demanda même si sa mère n’avait pas trempé dans cette vaste conspiration qui lui imposait de disserter sur un des sujets qu’il détestait le plus au monde. Il verrait cela plus tard. Le compteur tournait, il lui restait trois heures et demie. Il n’avait guère le choix…

 

Repères à suivre : le feuilleton : la mondialisation au travers du prisme d’une librairie de quartier (2)

 

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