Analyse-Livres & Culture pour tous
22 Janvier 2013
(Repères : thème de la guerre : l'étude)
Il a été évoqué dans le précédent article comment la bataille d'Essling avait conduit à la bataille de Wagram. Voilà donc comment une bataille en chasse une autre....Triste constat qui ne perd rien en acuité avec le temps ainsi que nous allons le découvrir aujourd'hui dans le roman d'Alexis Jenni, L'art français de la guerre.
La rencontre fortuite de deux hommes
Le roman d'Alexis Jenni s'ouvre sur la rencontre fortuite entre deux hommes de génération différente qui ont leurs propres habitudes de consommation dans un vieux café en périphérie de Lyon. Assis au comptoir, le jeune narrateur, un peu perdu dans la vie, se voit confié à la volée une confidence qui trouve un certain écho en lui : Victorien Salagnon, l'homme âgé assis au loin est présenté comme « un ancien d'Indochine ». Ce mot provoque en lui une impression tout à fait particulière.
Ce terme fait resurgir les préjugés de son enfance : « Dans mon vocabulaire d'enfant de gauche, ce mot rare quand il survenait s'accompagnait d'une nuance d'horreur ou de mépris, comme tout ce qui est colonial. Il fallait bien se trouver dans un vieux bar près de s'éteindre, parmi les messieurs en qui cancer et cirrhose se livraient à une course, il fallait bien être tout au bord du monde, dans sa cave, parmi les restes, pour entendre à nouveau ce mot-là prononcé dans sa musique d'origine. » (page 33)
Un brin provocateur, le narrateur adopte une fausse contenance mais il reste durablement impressionné par la tranquillité et surtout par le regard « couleur acier » du vétéran. Un sentiment de proximité surgit dans son cœur du narrateur : il finit par rêver jour et nuit de la lointaine Indochine.
Cette rencontre va donner à chacun des deux protagonistes un nouveau sens à leur vie. C'est par l'entremise de l'Art que les deux hommes vont apprendre à se connaître et à se trouver. A ce jeune homme, Victorien Salagnon ne tarde pas à dévoiler l'existence de mémoires dont le résultat le rend insatisfait.
Un curieux arrangement s'établit alors entre les deux personnages, le plus âgé donne des leçons de peinture tandis que le plus jeune entreprend de narrer la vie du soldat sans trop connaître le résultat : « Mais je suis le narrateur ; alors je narre. » (page 51).
Le parallèle entre la littérature et la peinture constitue au fil des pages un des axes du roman.
La construction binaire du livre
Ces deux arts se recoupent pour témoigner de manière originale de la violence de près de vingt ans de guerre (1943-1962).
Ce roman s'ingéniera de plus à intercaler entre le récit chronologique des conflits dans lesquels Victorien Salagnon s'est engagé, les commentaires personnels du narrateur qui se livre à une analyse toute personnelle de l'art français de la guerre.
Restons tout d'abord, si vous le voulez bien, dans la découverte de l'itinéraire de notre soldat au travers d'un terme d'une récurrence dans cette œuvre : le « regard » posé par un témoin de son temps.
Repères à suivre : l'étude : L'expérience du maquis (A.Jenni)