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Analyse-Livres & Culture pour tous

Gazette littéraire

L’univers du train : l’attraction pour les machines (Zola, Nizan)

L’univers du train : l’attraction pour les machines (Zola, Nizan)

  

La fascination pour les locomotives

repères : thème de l'industrie : l'étude

 

Il a été indiqué dans l’article précédent que l’étude comparée de la Gazette porterait sur la question de l’ambivalence de l’appartenance à la classe ouvrière au travers de la lecture de deux romans emblématiques :

  • La bête humaine, d’Emile Zola publié en 1890, qui appartient au dix-septième tome du cycle des Rougon-Macquart,
  • Antoine Bloyé, de Paul Nizan, publié en 1933.

Nous avons évoqué le contexte de l’action, l’origine ouvrière de nos deux personnages principaux, leur éducation, il nous reste aujourd’hui à aborder l’univers professionnel dans lequel ils évoluent : le train. Tous deux entreront au début de leur carrière à la compagnie d’Orléans.

***

Prestige de la machine

Les deux héros se présentent comme des êtres passionnés par la mécanique. Il s’agit d’un goût qui s’imposera à eux de manière différente. C’est en effet depuis le berceau que la vie d’Antoine Bloyé est rythmée par le bruit des trains qui l’effraie bien un peu. Mais ce sont surtout les promesses offertes par l’industrie qui paraissent incontournables au jeune homme :

« Antoine Bloyé, à seize ans, n’est plus capable de concevoir les actions d’un homme que sous les apparences industrielles qui dominent l’âge dangereux où son adolescence se déroule. »

Héritage

Il partage avec son milieu le «prestige» de la machine (page 65). Mais il ne s’agit pas d’un choix libre. Le jeune homme a longtemps hésité avec la marine ; le roman recèle de références à l’univers de la mer. Mais les parents du jeune homme s’opposent à cette vie aventureuse. Ils exigent de pouvoir compter sur lui dans leur vieillesse. Le fils respectueux obéit à son père et s’emploie dans les chemins de fer. Il accepte cet emploi comme un prolongement de celui de son père ;  c’est son héritage. Lors de ses premières années d’apprentissage, il est sur le terrain, conduit des machines, côtoie de braves gens qui connaissent leur travail. Il fait grève avec eux ; il apprend enfin son métier. Antoine Bloyé est fier de son appartenance au monde ouvrier. Le jeune homme s’y trouve à sa place... Son évolution professionnelle dans les bureaux lui fera connaître de nombreux déchirements intérieurs.

Choix libre

Chez Zola, la situation diffère ; le hasard des études mènera Jacques Lantier à embrasser la profession de mécanicien. A la différence de Nizan, c’est un choix libre et éclairé qu’il a effectué. le seul que peut faire le héros qui vit sous l'influence d'un déterminisme. L’auteur nous dit qu’il a choisi la filière mécanique au sortir de l’école en dépit de ses capacités intellectuelles. Il s’agit d’un choix qu’il a mûrement réfléchi qu’il ne le subit pas. Cet emploi a l’avantage de lui offrir la possibilité de travailler en solitaire, l’esprit occupé « pour la solitude et l’étourdissement où il y vivait (…) » (page 65). Cette orientation lui convient tout à fait. Il est fier de conduire sa machine.

 

Cependant Jacques Lantier n’est pas comme tout le monde, il entretient un rapport étroit avec sa machine. L’amour de la mécanique qui habite Antoine Bloyé sera poussé à son paroxysme par Jacques Lantier. Ce dernier éprouve en effet une  passion quasi charnelle pour sa locomotive. Jacques Lantier la compare à une femme dominée. Il vit pleinement une relation avec elle, l’huilant à volonté, la ménageant, la poussant lorsqu’elle est sûre de donner le meilleur d’elle-même. « La nuit tombait. Jacques redoublait de prudence. Il avait rarement senti la Lison si obéissante ; il la possédait, la chevauchait à sa guise, avec l’absolue volonté du maître. » (page 178). Ils forment un couple d’amants. Le paradoxe du livre est de faire de la machine une femme et l’homme une bête. Il s’avère que cette particularité volera en éclats lorsque la locomotive sera détruite. L’abattement du cheminot devient réel lorsqu’il voit sa Lison exhalant son dernier souffle. Lantier désire mourir. La machine réparée, elle ne sera jamais plus la même ; elle ne donnera plus à son mécanicien les joies d’avant. Le charme est rompu. Il prend des airs d’amant dépité. Il la délaisse. Il en aura une autre qu’il ne baptisera plus du nom de femme, la machine 608 (page 397, chapitre 12)

Le contact avec la mécanique est bien idyllique, le contexte professionnel est, lui, plein de rudesse.

 

Repères à suivre : un monde dans le monde

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L
Dans la Bête Humaine, le thème est certes l'héritage de la fonction ouvrière mais aussi l'héritage de la tare alcoolique qui fera de Jacques Lantier un assassin.
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