Analyse-Livres & Culture pour tous
3 Mars 2014
Repères : thème de l’île : vers et prose
Débutons notre représentation de l’île dans la littérature par son aspect symbolique. Quelle œuvre met au centre de sa narration ce sujet si ce n'est celle d’Homère et plus particulièrement l’Odyssée. De retour de Troie à la suite d'une guerre qui aura duré dix ans, Ulysse se verra contraint de dériver d’île en île pendant la même durée avant de parvenir dans son île natale, Ithaque. Il devra vaincre bien des dangers avant de pouvoir rejoindre les siens. On voit bien l'importance symbolique de ces épreuves imposées au héros et la place prépondérante de la mer et des îles dans cette narration.
Dans l’extrait qui vous est proposé, Ulysse arrive avec ses compagnons dans l’île d’Ea après avoir affronté la mer dangereuse ; ils ont besoin de victuailles. Les hommes se divisent en deux groupes. L’un découvre le palais de la magicienne Circé qui les y attire par son chant mélodieux pour leur plus grand malheur…
***
"Ces guerriers découvrent, au sein d'un vallon, les palais de Circé bâtis en pierres polies et situés sur un tertre élevé. Autour de cette demeure étaient des loups sauvages et des lions que la déesse avait domptés en leur donnant de funestes breuvages. Ces animaux, loin de se précipiter sur mes compagnons, se dressent au contraire pour les caresser de leurs longues queues. Ainsi, des chiens fidèles flattent leur maître quand il revient d'un festin ; car il leur rapporte toujours quelques mets friands : de même ces lions et ces loups aux fortes griffes caressent mes guerriers qui sont cependant effrayés à la vue de ces monstres terribles. La troupe d'Euryloque s'arrête sous les portiques de la déesse à la belle chevelure, et écoute Circé, qui, dans l'intérieur du palais, chante d'une voix mélodieuse en tissant une toile immense et divine, une toile semblable aux magnifiques travaux délicats et éblouissants des divinités célestes. Polytès, l'un des chefs, et celui de tous mes compagnons que j'honorais le plus, parle en ces termes :
Ô mes amis, j'entends une femme, déesse ou mortelle, chanter avec délices dans l'intérieur de ce palais en tissant une grande toile (les parois en retentissent); hâtons-nous donc d'appeler cette femme. »
Il dit, et tous mes compagnons élèvent la voix. Circé accourt aussitôt, ouvre ses portes brillantes, nous invite à la suivre, et tous mes guerriers entrent imprudemment dans le palais. Mais Euryloque, soupçonnant quelque embûche, reste seul sous les portiques. Circé les introduit, et les fait asseoir sur des trônes et sur des sièges ; puis elle mêle du fromage, de la farine d'orge et du miel nouveau avec du vin de Pramne, et elle ajoute ensuite à cette préparation des plantes funestes afin que mes compagnons perdent entièrement le souvenir de leur patrie. Quand elle leur a donné ce breuvage, qu'ils boivent avec avidité, elle les frappe de sa baguette et les enferme dans l'étable ; car mes guerriers étaient alors semblables à des porcs par la tête, la voix, les poils et le corps, mais leur esprit conserva toujours la même force. Malgré leurs gémissements, ils sont enfermés dans une étable. Circé leur jette pour nourriture des glands, des faines et des fruits du cornouiller, seuls mets que mangent les porcs qui couchent sur la terre
Aussitôt Euryloque accourt vers le sombre navire nous annoncer le triste destin de nos malheureux compagnons."
Odyssée, chant X,Homère
http://fr.wikisource.org/wiki/Odyss%C3%A9e-10
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