Analyse-Livres & Culture pour tous
15 Janvier 2014
(Alcazar, Séville)
Repères : thèmes des mythes : présentation
Nous quittons l’Antiquité pour passer à l’époque moderne. Nous découvrirons un tout autre mythe devenu un mythe littéraire. Sa réécriture par plusieurs auteurs va nous intéresser dans les articles à venir. Il s’agit du mythe de l’inconstance de l’homme au travers d’un personnage séducteur, épicurien et mécréant : Don Juan.
Avant de devenir un mythe littéraire, intéressons-nous au mythe proprement dit. Précisons que s’il ne joue pas en l’espèce une fonction socio-régulateur, comme pour les récits de l’Antiquité, il n’est pas totalement délié du sacré en ce qu’il évoque au contraire des comportements orgueilleux et blasphémateurs d’un homme qui ne craint pas Dieu. Le succès de ce mythe tient fortuitement à la rencontre d’un homme et d’une époque aux mœurs plus libres ou plus transgressables…
L’origine du mythe n’est pas totalement claire comme toute lecture de ce type de récits. On sait qu’elle se réfère à l’existence d’un personnage espagnol ainsi qu’il en ressort de la lecture de la chronique de Séville au XVIIème siècle :
« Don Juan Tenorio, d’une illustre famille des vingt-quatre de Séville, tua, une nuit, le commandeur Ulloa, après avoir enlevé sa fille. Le commandeur fut enterré dans le couvent de Saint François, où sa famille possédait une chapelle. Cette chapelle et la statue furent détruites par un incendie. Les moines franciscains ; désirant faire cesser les débauches de don Juan, que sa naissance distinguée mettait à l’abri de la justice ordinaire, l’attirèrent une nuit dans leur couvent sous un prétexte trompeur, et lui donnèrent la mort. Ils firent courir le bruit que don Juan était venu insulter le commandeur sur son tombeau, et que la statue l’avait englouti et entraîné dans l’enfer. » *
Sur le plan historique, les registres familiaux ne mentionnent pas les faits reprochés audit don Juan*. On est donc bien en présence de faits non établis, du « faux » dont parlait Paul Valéry et du « rien » de Pessoa. Ce qui est intéressant dans ce nouveau mythe, c’est de mesurer sa propension à devenir un mythe littéraire. On peut même mesurer en un siècle, au 17ème siècle, sa progression fulgurante en Europe où il est vite devenu une figure emblématique du libertin.
Un moine franciscain Tirso de Molina rédige en 1630 une comédie sur ce sujet. Son œuvre sera revisitée par d’autres auteurs notamment italiens dont les œuvres ont circulé dans toute l’Europe du Sud. Puis le succès du mythe littéraire parvint jusqu’à Paris, apporté précisément par le répertoire de théâtre italien. On s’en inspira dès lors en France avant de pénétrer le nord de l’Europe, en Angleterre avec sa version anglaise de Sadwell, le libertin (1677)*. On a donc assisté à l’expansion du mythe de Don Juan dans toutes les scènes d’Europe que ce au théâtre proprement dit ou sur des scènes d’opéra avec Glück et Mozart.
Dans les articles suivants, nous nous bornerons à l’examen de trois réécritures du mythe de don Juan : nous avons choisi de montrer la revendication par le héros de sa propre inconstance vis-à-vis de la gent féminine. Trois versions différentes seront proposées, l’un française, la deuxième allemande pour finir par la version anglaise :
*(Source : encyclopédie Larousse, 1903)
Repères à suivre : le thème de l’inconstance de Dom Juan chez Molière (1)