8 Août 2011
Chateaubriand a fait la rude expérience d'une relation au père dénuée de chaleur humaine lorsqu'il était enfant comme dans l'extrait où il évoque une soirée au coin du feu. Il lui rendra justice néanmoins à l'âge adulte ainsi qu'il le dit dans le second texte présenté.
repères : thème des quatre éléments : le feu
Il vous est proposé une succession d'articles illustrant le thème du feu dans la littérature :
La Gazette vous invite à une soirée familiale auprès du feu.
A priori, un moment de félicité entre membres d'une même famille.
Mais ce n'est pas le souvenir exact de Chateaubriand dans l'extrait qui vous est proposé aujourd'hui.
L'écrivain a fait la rude expérience d'une relation au père dénuée de chaleur humaine lorsqu'il était enfant. Il lui rendra justice néanmoins à l'âge adulte ainsi qu'il le dit dans le second texte présenté.
« Les soirées d’automne et d’hiver étaient d’une autre nature. Le souper fini et les quatre convives revenus de la table à la cheminée, ma mère se jetait, en soupirant, sur un vieux lit de jour de siamoise flambée ; on mettait devant elle un guéridon avec une bougie. Je m’asseyais auprès du feu avec Lucile ; les domestiques enlevaient le couvert et se retiraient. Mon père commençait alors une promenade, qui ne cessait qu’à l’heure de son coucher. Il était vêtu d’une robe de ratine blanche, ou plutôt d’une espèce de manteau que je n’ai vu qu’à lui. Sa tête, demi-chauve, était couverte d’un grand bonnet blanc qui se tenait tout droit. Lorsqu’en se promenant, il s’éloignait du foyer, la vaste salle était si peu éclairée par une seule bougie qu’on ne le voyait plus ; on l’entendait seulement encore marcher dans les ténèbres : puis il revenait lentement vers la lumière et émergeait peu à peu de l’obscurité, comme un spectre, avec sa robe blanche, son bonnet blanc, sa figure longue et pâle. Lucile et moi, nous échangions quelques mots à voix basse, quand il était à l’autre bout de la salle ; nous nous taisions quand il se rapprochait de nous. Il nous disait, en passant : « De quoi parliez-vous ? » Saisis de terreur, nous ne répondions rien ; il continuait sa marche le reste de la soirée, l’oreille n’était plus frappée que du bruit mesuré de ses pas, des soupirs de ma mère et du murmure du vent. »
Les Mémoires d'Outre-Tombe, Chateaubriand, wikisource
https://fr.wikisource.org/wiki/M%C3%A9moires_d%E2%80%99outre-tombe/Premi%C3%A8re_partie/Livre_III
Adulte
« Je pleurai M. de Chateaubriand : sa mort me montra mieux ce qu'il valait ; je ne me souvins ni de ses rigueurs ni de ses faiblesses. Je croyais encore le voir se promener le soir dans la salle de Combourg ; je m'attendrissais à la pensée de ces scènes de famille. Si l'affection de mon père pour moi se ressentait de la sévérité du caractère, au fond elle n'en était pas moins vive.(...)"
Les Mémoires d'Outre-Tombe, Chateaubriand, wikisource
https://fr.wikisource.org/wiki/M%C3%A9moires_d%E2%80%99outre-tombe/Premi%C3%A8re_partie/Livre_IV
repères à suivre : le feu de l'enfer