Analyse-Livres & Culture pour tous
12 Janvier 2013
Éloge des vainqueurs
(Repères : thème de la guerre : présentation)
Dans l'article précédent, nous avons vu le silence terrible sur le champ de bataille après la cessation de feu avec Théophile Gautier.
Voyons désormais ensemble les récits qui ont découlé de ces victoires et ...de ces défaites.
Il en existe un nombre important qui ont en commun la triste évocation de tous ces morts. On trouve par ailleurs aussi beaucoup de textes teintés de nationalisme, de haine. Enfin, on trouve aussi des œuvres qui glorifient les faits d'armes. C'est dans ce sens que la Gazette vous invite aujourd'hui à poser vos yeux.
Rien n'était plus aisé que de se plonger dans l'histoire de France de Michelet pour illustrer cette « réécriture » de batailles qui est aisée lorsqu'on est vainqueur …
Michelet est un historien célèbre au style flamboyant.
Dans le passage ci-dessous, l'auteur narre la victoire de Valmy le 20 septembre 1792 contre l'armée prussienne. On appréciera le lyrisme de l'auteur...
***
" Il y eut un moment de silence. La fumée se dissipait. Les Prussiens avaient descendu, ils franchissaient l'espace intermédiaire avec la gravité d'une vieille armée de Frédéric, et ils allaient monter aux Français. Brunswick*dirigea sa lorgnette, et il vit un spectacle surprenant, extraordinaire. A l'exemple de Kellermann**, tous les Français, ayant leurs chapeaux à la point des sabres, des épées, des baïonnettes, avaient poussé un grand cri...Ce cri de trente mille hommes remplissait toute la vallée : c'était comme un cri de joie, mais étonnamment prolongé ; il ne dura guère moins qu'un quart d'heure ; fini, il recommençait toujours avec plus de force ; la terre en tremblait … C'était : « Vive la Nation ! » (…)
Le spirituel et savant général avait très bien reconnu, dans l'armée qu'il avait en face, un phénomène qui ne s'était guère vu depuis les guerres de religion : une armée de fanatiques, et, s'il l'eût fallu, de martyrs. (…)
Et, en avançant, il [le roi] reconnut la ferme attitude de ceux qui l'attendaient là-haut. Ils s'étaient déjà habitués au tonnerre qu'ils entendaient depuis tant d'heures et ils commençaient à s'en rire. Une sécurité visible régnait dans leurs lignes. Sur toutes cette jeune armée planait quelque chose, comme une lueur héroïque, où le roi ne comprit rien (sinon le retour en Prusse).
Cette lueur était la Foi.
Et cette joyeuse armée qui d'en haut le regardait, c'était déjà l'armée de la République.
Fondée le 20 septembre à Valmy, par la victoire, elle fut, le 21, décrétée à Paris, au sein de la Convention."
*chef des Prussiens
** Général de l'armée française
Histoire de la Révolution Française, Michelet (tome 5) A. Lemerre (Paris), 1888
p187
repères à suivre : présentation : dénonciation de la guerre