29 Novembre 2013
Repères : thème de la porte : le feuilleton
résumé : il a été indiqué dans l’article précédent que Marie Loiselet se présente pour la réunion de rentrée parents/professeurs d’un lycée parisien. Sa fille unique Victoire est en terminale S. La réunion jette curieusement un froid dans l’assistance : les professeurs et notamment Madame Castaldi, professeur de mathématiques, dressent un tableau des épreuves que vont devoir subir les élèves sur le plan scolaire et les conséquences inévitables sur leur vie de famille. Marie Loiselet ressort le moral au plus bas. Mais sa journée n’est pas finie ; elle retrouve vers vingt heures sa fille dans un état d’énervement inédit…
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Rentrant de sa réunion avec les professeurs, Marie crut utile de donner à sa fille son sentiment sur cette année. Mais Victoire ne voulut pas l’entendre.
- Je n’en ai rien à faire ! Laisse-moi tranquille ! Sors de ma chambre !
Marie Loiselet regarda sa fille avec désolation. Décidément, cette année scolaire ne se ferait pas sans mal ! Pourtant, Victoire en terminale S constituait un bon élément du lycée.
- - Je n’en peux plus de tous ces cours, ces devoirs à préparer, ces interrogations toutes les semaines. Je ne suis pas une machine ! Cela ne mène à rien…
Cela dépita à la vérité cette mère qui avait toujours hissé depuis des années son enfant vers des sommets de savoirs et de connaissances, atteignables avec une bonne dose de travail. Oui, mais le régime de travail avait en ce premier trimestre mis à plat toute l’énergie de la jeune fille. L’enfant précoce qu’elle avait été se trouvait aux prises avec des problématiques qui la dépassaient prodigieusement ! Elle se posait même à l’occasion des questions existentielles :
- - Est-ce qu’on est sur terre uniquement pour travailler ? Est-ce une vie que de charrier des wagons de problèmes de maths et de physiques ? Quand respire-t-on librement ? Tu sais, je vais finir par ne plus aller au lycée à ce régime-là !
La jeune fille expliqua à sa mère décidément découragée que le franchissement de la porte du lycée tous les matins lui était devenu une épreuve pénible. Elle se levait déjà fatiguée sans tonus pour aller dans un endroit qui, de son point de vue, la maltraitait. Jamais un encouragement, que des griefs : « tu aurais pu faire ceci cela ; tu aurais dû justifier davantage ta réponse ». Les notes pouvaient descendre très bas pour des détails anodins. La pression énorme des notes pesait -disait-elle- sur tous les élèves. La remise des copies commençait rituellement par les meilleures pour finir par l’humiliation à destination des possesseurs des dernières copies. En l’écoutant, Marie se dit qu’il en fallait du courage pour supporter ce traitement ! La jeune fille avoua enfin à sa mère qu’elle était devenue « allergique » à son professeur de mathématiques, et à sa fameuse maxime : « Vingt-cinq ans d’enseignement, vingt-cinq ans d’exigence ! »
Pour la première fois de sa vie, Marie Loiselet se demanda si le système de l’excellence n’allait pas trop loin. Cette réflexion l’empêcha de trouver le sommeil. Le lendemain, la mère dut motiver sa fille au petit-déjeuner pour qu’elle accepte de se préparer pour partir.
- Allez ! Mange un peu, je t’ai acheté de la bonne brioche pour te donner des forces et je t’ai fait un bon jus de fruit frais !
Elle finit même par l’accompagner en voiture pour la ménager. Sa fille aurait par ailleurs tant à faire se dit-elle ! "Il lui faut beaucoup de courage pour affronter tout cela", pensa-t-elle. Elle regarda Victoire franchir le seuil du lycée et se dit que définitivement, cette porte du lycée renfermait toute la lourdeur du milieu scolaire obnubilé par les résultats.
Repères à suivre : feuilleton : la porte latérale du savoir : les petits cours particuliers….