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Analyse-Livres & Culture pour tous

Gazette littéraire

Faut-il être lâche pour être heureux ?

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"Il n'y a pas de honte à être heureux. Mais aujourd'hui l'imbécile est roi, et j'appelle imbécile celui qui a peur de jouir."*

repères : hors-série : festivités

  Du bonheur

A la veille des festivités du Nouvel An, restons dans le domaine du questionnement initié par Mark Twain dans les articles précédents. C'est à l'interrogation ci-dessus que la Gazette ose aujourd'hui vous confronter. Faut-il être lâche pour être heureux ?

 

Chacun a sa propre réponse. Pour sa part, l'auteur de ces lignes considère comme sacrée l'obligation d'être heureux surtout si c'est avec les mille et une beautés que la vie toute simple nous offre.

 

Mais d'autres adoptent un point de vue diamétralement opposé : notamment Mallarmé pour qui l'Art reste une quête exigeante de tous les instants. Pas de répit pour le bonheur en somme !

 "Tournon, 30 Décembre 1863 

 

Mon bon Henri,

Je ne veux pas laisser passer le nouvel an, sans te serrer la main. Pardonne à ma lettre son absurdité qui te permettra de te consoler de sa brièveté. Je suis ahuri d'ennuyeux travaux. A peine ai-je fini de clouer des rideaux qu'il me faut donner des Notes, ― fantastiques, ― pour le Lycée qui me laisserait crever de faim, griffonner une trentaine de lettres à des gens que j'ai depuis longtemps négligés, et écrire, pêle-mêle, aux êtres chers.

Cesse d'être inquiet, mon Henri. Je vais à merveille maintenant. Le temps est gris et glacial, ici, cela seul me rend maussade. Tournon est sur la route de tous les vents d'Europe : c'est un relais, et leur rendez-vous. Toute l'année, ils s'engouffrent furieusement dans les montagnes resserrées. Parfois, l'azur est aestival, et le vent soleil, tiède et vivifiant à travers les carreaux. Vous sortez, pour vagabonder dans la campagne, mais le vent malin fait mine de vous emporter à quelques lieues de là. Les bœufs sont tous décornés, et très peu de maris ont encore leurs bois.

Hier, séduits par cet été lointain, et qui n'est qu'au ciel, nous nous sommes promenés. Nous étions glacés, outre que Marie, impuissante à lutter contre les bourrasques, se cramponnait aux arbres des chemins.

Et personne à voir ! Tu sais, du reste, que je suis difficile et que des gens qu'Emmanuel trouve charmants, en province, me dégoûtent.

― Adieu, mon bon Henri. Ah ! que nous aussi nous regrettons le temps perdu, vilain qui nous as si peu vus ! Nous t'embrassons beaucoup, pour tes étrennes, et te souhaitons peu de bonheur, ― Il faut être lâche pour être heureux, ― et beaucoup de marrons glacés.

A bientôt une lettre moins jourdelanesque, et qui soit digne de ta précédente, si adorable !

Ton

 

STÉPHANE

Stéphane Mallarmé, Correspondance 1862-1871

http://fr.wikisource.org/wiki/%C3%80_Henri_Cazalis_-_30_D%C3%A9cembre_1863

 

repères à suivre : le réveillon de la Saint-Sylvestre

 

* http://fr.wikiquote.org/wiki/Albert_Camus

 

 

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