Analyse-Livres & Culture pour tous
18 Avril 2013
Repères : le thème du mariage : l'étude
Il a été présenté dans l'article précédent, les deux lectures suivies du mois. Débutons avec Tolstoï.
Conversation informelle dans un train
L'amour conjugal se trouve être au centre du roman la sonate à Kreutzer de Tolstoï. L'intrigue se noue autour d'une conversation informelle entre des voyageurs russes d'un train qui s'interrogent -de manière badine- sur la cause première du divorce, devenu, en cette fin du XIXème siècle, un fait social marquant. Un vieillard interpelé sur cette question lance à la cantonade que le divorce résulte de « l'instruction » notamment des femmes qui n'obéissent plus à leur mari. Cette réponse stupéfiante fait surgir deux camps bien opposés, les progressistes et les conservateurs qui se questionnent librement dans le compartiment :
« Cependant, comment vivre avec un homme lorsque l’amour est absent ? répliqua la dame, croyant émettre des idées très neuves.
– Il n’était point question de tout cela autrefois, dit le vieillard d’un ton pénétré ; c’est aujourd’hui seulement que c’est entré dans nos mœurs. À la plus légère bagatelle, la femme se hérisse et dit à son mari qu’elle va le quitter. Il n’est pas rare aujourd’hui de voir les paysannes, elles-mêmes, jeter aux pieds de leurs maris les chemises et les caleçons pour voler à celui qui a des cheveux plus bouclés. Alors, de quoi parler ? La femme doit d’abord éprouver de la crainte pour l’homme. » (page 15)
Un débat éternel entre les bienfaits du passé sur les malheurs du présent alimente alors la discussion durant ce trajet long et fastidieux. La conversation se fait de plus en plus nourrie et conduit à l'établissement de rapports entre l'homme et l'animal ; on invoque aussi, tour à tour, les lois de la nature, de la religion et de la morale. Rapidement, la conversation parvient à un sujet précis : l'amour consacré par le mariage.
L'amour dans le mariage
On s'interpelle alors d'un air entendu sur un sujet théoriquement rassembleur, on vante à l'envi la beauté de l'amour ; on disserte volontiers sur son caractère absolu lorsque le vieillard, de plus en plus nerveux, intervient une nouvelle fois pour contester à ce sentiment la moindre pérennité. Il considère que l'amour physique a -seule- une existence réelle ; l'harmonie des cœurs et des âmes lui paraît en revanche une totale mystification. Le mariage est donc le siège du « mensonge ». C'est évidemment la consternation au sein des voyageurs qui finissent par être gênés par l'attitude de ce curieux bonhomme. Ce dernier se fait de plus en plus sentencieux :
« – Non, c’est impossible, aussi impossible que de voir, dans un chargement de pois, deux pois marqués à l’avance venir se mettre à côté l’un de l’autre. Ce n’est pas une simple probabilité, c’est une certitude que la lassitude surviendra. Aimer un homme ou une femme toute la vie, c’est vouloir qu’une seule et même bougie brûle éternellement, dit-il en aspirant goulûment la fumée de tabac. » (page 22)
La confusion va connaître son acmé lorsque notre personnage révèle, au chapitre II, -sans que l'on lui demande- son identité. Ce faisant, il prétend apporter la preuve de ce qu'il avance ...
Mais qui est donc ce vieil homme aigri ?
Repères à suivre : l'étude : des considérations sur l'amour en particulier (Tolstoï)