Analyse-Livres & Culture pour tous
20 Mai 2012
(Sagrada Familia, Barcelone)
Sept ans plus tard
(Repères : thème de la fratrie : l'étude)
Dans l'article précédent, il a été indiqué que le drame de Claudel repose sur l'opposition entre deux sœurs, Violaine et Mara, l'une pleine de bonté d'âme et de foi et l'autre jalouse et attachée aux biens matériels. Le projet de mariage entre l'aînée et Jacques Hury excite la jalousie de la cadette. Cette dernière voit ainsi d'un bon œil la rupture de leur engagement : atteinte de la peste, Violaine est en effet contrainte de mener une vie de misère.
***
Sept ans plus tard, à la veille de Noël, les deux sœurs se retrouvent dans un tête à tête âpre : Le corps de Violaine est rongé par la maladie ; elle est devenue aveugle et ne vit que de la charité dans un dénuement extrême.
La dureté du cœur de Mara ne cèdera pas devant le spectacle de la misère de sa sœur : « Il est facile d'être une sainte quand la lèpre nous sert d'appoint.» (acte 3, scène 2). Toujours rongée par la jalousie, Mara compare leur sort respectif et considère que le sien est bien plus terrible que celui de sa sœur reléguée :
«Mara
-Violaine, je suis une infortunée, et ma douleur est plus grande que la tienne !
Violaine
Plus grande, sœur ? » (acte III, scène II)
On comprend aisément l'étonnement de l'aînée qui écoute néanmoins avec bonté sa sœur lui expliquer les raisons de sa venue avec un enfant mort dans les bras. Mara demande en effet son intercession auprès de Dieu pour redonner vie à sa petite fille. Violaine apparaît son seul recours en dépit de tout ce qui les sépare.
La mère refuse l’inéluctable et accepte de mettre sa fierté de côté pour s'humilier devant sa sœur lépreuse avant même de consentit à prier avec elle.
C'est ainsi qu'un miracle se fait jour ; l'enfant revit sur le sein non de sa mère mais de sa tante qui porte l'enfant contre elle : on assiste à une renaissance mystique.
Pour autant, les choses ont changé : l'enfant aux yeux noirs en possède désormais des bleus de la couleur de l'aînée. Ivre de jalousie, Mara décide de faire périr sa bienfaitrice en la conduisant dans des sables mouvants.
Ce n'est que grâce à l'intervention paternelle -de retour de terre sainte- que l'aînée survit un temps ; le rôle de l'héroïne est enfin révélé à tous. À l'image de la prière de l'Angelus, il est expliqué que Violaine a fait le sacrifice de sa vie, une oblation. Sublime.
Le cœur de Jacques Hury est enfin touché par la grâce à l'inverse de celui de sa femme. Lucide, cette dernière est convaincue d'avoir tout perdu l'amour d'un père, d'un mari et son enfant.
On comprend que son cœur reste implacablement fermé.
Quitttons l'univers claudélien pour pénétrer dans le monde d'un autre auteur, Jean Genêt.
Repères : thème de la fratrie : l'étude (Genêt)