Analyse-Livres & Culture pour tous
19 Août 2009
Dans Voyage autour de ma chambre de Xavier de Maistre, le narrateur, officier mis aux arrêts, est consigné dans sa chambre pour une durée de 42 jours. C'est le prétexte à l'évocation d'un voyage tout intérieur, confiné entre quatre murs.
Repère: thème du voyage : vers et prose
Il vous est proposé de découvrir deux extraits du célèbre ouvrage de Xavier de Maistre, Voyage autour de ma chambre, publié en 1794.
L'officier entreprend, dans ce premier chapitre, de nous livrer les raisons de son ouvrage insolite. Ces 42 jours d'arrêt, sont en effet, un prétexte à l'évocation d'un voyage dans un lieu clos. Il laisse libre cours à son imaginaire, à ses divagations. Il a le temps, il cherche à combler ce temps justement. Lorsque le confinement est source d'écriture, un ouvrage littéraire unique en son genre...
"Non, je ne tiendrai plus mon livre in petto ; le voilà, messieurs, lisez. J’ai entrepris et exécuté un voyage de quarante-deux jours autour de ma chambre. Les observations intéressantes que j’ai faites et le plaisir continuel que j’ai éprouvé le long du chemin, me faisaient désirer de le rendre public ; la certitude d’être utile m’y a décidé. Mon cœur éprouve une satisfaction inexprimable lorsque je pense au nombre infini de malheureux auxquels j’offre une ressource assurée contre l’ennui, et un adoucissement aux maux qu’ils endurent. Le plaisir qu’on trouve à voyager dans sa chambre est à l’abri de la jalousie inquiète des hommes ; il est indépendant de la fortune.
Est-il en effet d’être assez malheureux, assez abandonné, pour n’avoir pas de réduit où il puisse se retirer et se cacher à tout le monde ? Voilà tous les apprêts du voyage.
Je suis sûr que tout homme sensé adoptera mon système, de quelque caractère qu’il puisse être, et quel que soit son tempérament ; qu’il soit avare ou prodigue, riche ou pauvre, jeune ou vieux, né sous la zone torride ou près du pôle, il peut voyager comme moi ; enfin, dans l’immense famille des hommes qui fourmillent sur la surface de la terre, il n’en est pas un seul, – non, pas un seul (j’entends de ceux qui habitent des chambres) qui puisse, après avoir lu ce livre, refuser son approbation à la nouvelle manière de voyager que j’introduis dans le monde."
Xavier de Maistre, Voyage autour de ma chambre, chapitre 1er, publié en 1794
Et si nous découvrions ensemble l'intérieur du narrateur du Voyage autour de ma chambre. Tous les éléments vous sont présentés avec précision : l'orientation de la pièce, la place des meubles, même les gravures et autres ornements muraux. Il ne vous reste plus qu'à dessiner …
Vous êtes prêts...
À vos crayons !
«Ma chambre est située sous le quarante-cinquième degré de latitude, selon les mesures du père Beccaria ; sa direction est du levant au couchant ; elle forme un carré long qui a trente-six pas de tour, en rasant la muraille de bien près. (...)
Aussi, lorsque je voyage dans ma chambre, je parcours rarement une ligne droite : je vais de ma table vers un tableau qui est placé dans un coin ; de là je pars obliquement pour aller à la porte ; mais, quoique en partant mon intention soit bien de m’y rendre, si je rencontre mon fauteuil en chemin, je ne fais pas de façons, et je m’y arrange tout de suite. (chapitre 4)
Après mon fauteuil, en marchant vers le nord, on découvre mon lit, qui est placé au fond de ma chambre, et qui forme la plus agréable perspective. Il est situé de la manière la plus heureuse : les premiers rayons du soleil viennent se jouer dans mes rideaux. – Je les vois, dans les beaux jours d’été, s’avancer le long de la muraille blanche, à mesure que le soleil s’élève : les ormes qui sont devant ma fenêtre les divisent de mille manières, et les font balancer sur mon lit, couleur de rose et blanc, qui répand de tous côtés une teinte charmante par leur réflexion. (chapitre 5)
Je me glissai jusqu’au bord de mon fauteuil, et, mettant les deux pieds sur la cheminée, j’attendis patiemment le repas. (chapitre 16)
Les murs de ma chambre sont garnis d’estampes et de tableaux qui l’embellissent singulièrement. (chapitre 20)
Quel luxe inutile ! Six chaises, deux tables, un bureau, un miroir, quelle ostentation ! Mon lit surtout, mon lit couleur de rose et blanc, et mes deux matelas, me semblaient défier la magnificence et la mollesse des monarques de l’Asie. – (chapitre 32)
En laissant donc sur la droite les portraits de Raphaël et de sa maîtresse, le chevalier d’Assas et la Bergère des Alpes, et longeant sur la gauche du côté de la fenêtre, on découvre mon bureau : c’est le premier objet et le plus apparent qui se présente aux regards du voyageur, en suivant la route que je viens d’indiquer. – (…) Il est surmonté de quelques tablettes servant de bibliothèque ; – le tout est couronné par un buste qui termine la pyramide, et c’est l’objet qui contribue le plus à l’embellissement du pays. (chapitre 34) »
Xavier de Maistre, Voyage autour de ma chambre, 1794
Repères à suivre : bibliographie