Analyse-Livres & Culture pour tous
19 Juillet 2009
Dans la nouvelle d'Alphonse Daudet, le curé de Cucugnan, nous achevons son récit de voyage qui le ramène devant ses paroissiens attentifs. Morale de l'histoire qui sent bon la Provence...
repères : thème du voyage : Curé de Cucugnan (Daudet)
Il vous est proposé d'achever la lecture de la nouvelle de Daudet intitulée le curé de Cucugnan, extrait des Lettres de mon moulin de Daudet (1869).
L'abbé Martin narre à ses fidèle l'étrange voyage qu'il a effectué en songe. Le curé de Cucugnan s'est rendu au Paradis, puis au Purgatoire, sans trouver ses paroissiens décédés. Il a dû se résigner à frapper aux portes des enfers où il a effectivement retrouvé ses ouailles.
Il conclut son homélie devant une assistance tremblant d'émotion et de peur...
Ce songe merveilleux conduit à une petite mise au point. Un bijou d'ironie...
«— Vous sentez bien, mes frères, reprit le bon abbé Martin, vous sentez bien que ceci ne peut pas durer. J’ai charge d’âmes, et je veux, je veux vous sauver de l’abîme où vous êtes tous en train de rouler tête première. Demain je me mets à l’ouvrage, pas plus tard que demain. Et l’ouvrage ne manquera pas ! Voici comment je m’y prendrai. Pour que tout se fasse bien, il faut tout faire avec ordre. Nous irons rang par rang, comme à Jonquières quand on danse.
« Demain lundi, je confesserai les vieux et les vieilles. Ce n’est rien.
« Mardi, les enfants. J’aurai bientôt fait.
« Mercredi, les garçons et les filles. Cela pourra être long.
« Jeudi, les hommes. Nous couperons court.
« Vendredi, les femmes. Je dirai : Pas d’histoires !
« Samedi, le meunier ! ... Ce n’est pas trop d’un jour pour lui tout seul.
« Et, si dimanche nous avons fini, nous serons bien heureux.
« Voyez-vous, mes enfants, quand le blé est mûr, il faut le couper ; quand le vin est tiré, il faut le boire. Voilà assez de linge sale, il s’agit de le laver, et de le bien laver.
« C’est la grâce que je vous souhaite. Amen ! »
Ce qui fut dit fut fait. On coula la lessive.
Depuis ce dimanche mémorable, le parfum des vertus de Cucugnan se respire à dix lieues à l’entour.
Et le bon pasteur M. Martin, heureux et plein d’allégresse, a rêvé l’autre nuit que, suivi de tout son troupeau, il gravissait, en resplendissante procession, au milieu des cierges allumés, d’un nuage d’encens qui embaumait et des enfants de chœur qui chantaient Te Deum, le chemin éclairé de la cité de Dieu.
Et voilà l’histoire du curé de Cucugnan, telle que m’a ordonné de vous le dire ce grand gueusard de Roumanille, qui la tenait lui-même d’un autre bon compagnon."
Alphonse Daudet, les lettres de mon Moulin, Wikisource.