Analyse-Livres & Culture pour tous
2 Avril 2009
La Gazette vous propose ce mois-ci de redécouvrir des poésies très connues célébrant la jeunesse...perdue. Ce thème est développé par de nombreux auteurs tels que Ronsard et Shakespeare comme dans le florilège qui vous est proposé
repère : thème de la jeunesse : illustration
Dans l'article précédent, il vous a été présenté le sommaire du mois, entrons aujourd'hui dans l'univers de la poésie qui a célébré la jeunesse surtout lorsqu'elle est passée. Nostalgie, idéalisation. Tout est possible...
Il vous est proposé de (re)découvrir un poème mythique de Ronsard, poète du 16e siècle qui compare la femme à une rose.
Sur la mort de Marie
Comme on voit sur la branche au mois de Mai la rose
En sa belle jeunesse, en sa première fleur
Rendre le ciel jaloux de sa vive couleur,
Quand l’Aube de ses pleurs au point du jour l’arrose :
La grâce dans sa feuille, et l’amour se repose,
Embaumant les jardins et les arbres d’odeur :
Mais battue ou de pluie, ou d’excessive ardeur,
Languissante elle meurt feuille à feuille déclose :
Ainsi en ta première et jeune nouveauté,
Quand la terre et le ciel honoraient ta beauté,
La Parque t’a tuée, et cendre tu reposes.
Pour obsèques reçois mes larmes et mes pleurs,
Ce vase plein de lait, ce panier plein de fleurs,
Afin que vif, et mort, ton corps ne soit que roses.
Ronsard
(poème publié en 1578)
Wikisource
C'est un texte dont l'étude ne cesse de démontrer la richesse ainsi que nous vous l'avons proposé dans le détail. Il reste que cette jeunesse idéalisée est bien différente de celle qui a les pieds dans le réel comme nous le montre Shakespeare.
La jeunesse s'insère dans les étapes de la vie, de la naissance à la mort. C'est une évidence, mais pas pour ceux qui refusent de vieillir.
C'est une évidence, mais cela ne l'est plus sous la plume de Shakespeare. Ce dernier met l'homme sur une scène. Il joue un rôle dans un spectacle. Lequel ? Celui de son existence. Il ne joue pas un rôle, mais plusieurs dont l'importance varie en fonction de son âge justement.
Les âges de la vie
Le monde entier est un théâtre,
et les hommes et les femmes ne sont que des acteurs ;
ils ont leurs entrées et leurs sorties.
Un homme, dans le cours de sa vie, joue différents rôles ;
et les actes de la pièce sont les sept âges.
Dans le premier, c'est l'enfant,
vagissant, bavant dans les bras de sa nourrice.
Ensuite l'écolier, toujours en pleurs,
avec son frais visage du matin et son petit sac,
rampe, comme le limaçon, à contre-coeur jusqu'à l'école.
Puis vient l'amoureux, qui soupire comme une fournaise
et chante une ballade plaintive qu'il a adressée au sourcil de sa maîtresse.
Puis le soldat, prodigue de jurements étranges et barbu comme le léopard.
Chaque profession avait jadis une forme de barbe particulière.
La barbe du juge différait de celle du soldat,
jaloux sur le point d'honneur,
emporté, toujours prêt à se quereller,
cherchant la renommée, cette bulle de savon,
jusque dans la bouche du canon.
Après lui, c'est le juge au ventre arrondi,
garni d'un bon chapon, l'oeil sévère, la barbe taillée d'une forme grave ;
il abonde en vieilles sentences, en maximes vulgaires ;
et c'est ainsi qu'il joue son rôle.
Le sixième âge offre un maigre Pantalon.
en pantoufles, avec des lunettes sur le nez et une poche de côté :
les bas bien conservés de sa jeunesse
se trouvent maintenant beaucoup trop vastes pour sa jambe ratatinée ;
sa voix, jadis forte et mâle, revient au fausset de l'enfance,
et ne fait plus que siffler d'un ton aigre et grêle.
Enfin le septième et dernier âge vient unir cette histoire pleine d'étranges événements ;
c'est la seconde enfance, état d'oubli profond
où l'homme se trouve sans dents, sans yeux, sans goût, sans rien.
extrait de Shakespeare
Comme il vous plaira (Acte II Scène 7)
https://fr.wikisource.org/wiki/Comme_il_vous_plaira/Traduction_Guizot,_1863/Acte_II
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