31 Mars 2025
Bac : dans cet acte III, nous assistons à une contraction de l’action libertine qui domine avant que le drame n’impose son aspect romantique.
repère : Bac : Musset
Nous travaillons depuis le début sur le traitement de la problématique axée sur le fait de comprendre comment l’amour dans On ne badine pas avec l'amour fait naître une confrontation entre romantisme et libertinage ainsi que le plan progressif de notre étude :
Dans ce dernier acte, nous verrons l’issue de la confrontation du discours entre romantisme et libertinage. Nous allons examiner l’importance de la contraction de l’action libertine qui domine avant de constater la conclusion du drame sous son aspect romantique.
L’effet de surprise réside dans la révélation du caractère libertin de Camille comme on peut le comprendre avec la deuxième lettre qui entre comme la première dans une stratégie libertine.
Il s’agit de la missive adressée à Louise pour la tenir informée du plan initial en cours de conclusion (plan A) : “tout est arrivé comme je l’avais prévu. Ce pauvre jeune homme a le poignard dans le cœur ; il ne se consolera pas de m’avoir perdue.” (scène 2). L’interception de cette lettre par Perdican entraîne ce dernier dans une vengeance prenant la forme d’un jeu cruel de séduction. Il cherche à susciter la jalousie de sa cousine en choisissant Rosette comme victime.
Il se met à emprunter les codes libertins et écrit à son tour : “Oui, tu sauras que j’en aime une autre avant de partir d’ici.” (scène 2) : il s’agit de la 3e lettre de la pièce : “qu’on envoie un valet porter à Mlle. Camille le billet que voici. (Il écrit.)(scène 2).
Le plan est simple pour Perdican (plan C) qui use de sa position de maître : “Je veux faire la cour à Rosette devant Camille elle-même.” (scène 2). Il use de son autorité, il la presse pour que la mise en scène soit parfaite : elle repose sur une didascalie : à haute voix, de manière que Camille l’entende. (scène 3). Le jeu va loin puisqu’il aboutit à une offre de mariage non négociable avec l’impératif et le futur ayant valeur de projet ferme : “lève-toi, tu seras ma femme” (scène 3). Que cherche au fond Perdican ? la même chose que Camille à son égard : l’aveu d’amour, : “qu’avez-vous à me dire ? Vous m’avez fait rappeler pour me parler ?” (scène 7)
De part et d’autre, on trouve l’utilisation du mensonge, le caractère libertin allant de pair avec l’art de la tromperie : “je ne mens jamais.” (scène 5), “oui je l’épouserai” (scène 5). Chez Camille, le mensonge est tout azimut : à Rosette : “Non, je ne t’ai pas vue. “ et à Perdican : “je suis fâchée de n’avoir pu me rendre au rendez-vous que vous m’avez demandé “/ (scène 5). Son plus grand mensonge consiste à dire : “Je ne vous aime pas, moi ; “ (scène 5)
La vengeance de l’un entraîne celle de l’autre : on est dans la surenchère, mais celle de Camille est la plus cruelle avec Rosette dont elle abuse là encore de son autorité comme l’indique l’usage de l’impératif ayant une valeur d’ordre : “rentre derrière ce rideau,”. Elle a un bref scrupule qu’elle balaie : ” Moi qui croyais faire un acte de vengeance, ferais-je un acte d’humanité ?” (scène 5). La vengeance est menée de main de maître par la jeune fille : “Vous dites que vous m’aimez, et vous ne mentez jamais ?” (scène 6). “Si vous ne mentez jamais, d’où vient donc qu’elle s’est évanouie en vous entendant me dire que vous m’aimez ? (scène 6). Camille frappe fort : “Tu as voulu te venger de moi, n’est-ce pas, et me punir d’une lettre écrite à mon couvent ? tu as voulu me lancer à tout prix quelque trait qui pût m’atteindre, et tu comptais pour rien que ta flèche empoisonnée traversât cette enfant, pourvu qu’elle me frappât derrière elle. “(scène 6)
On notera que ces jeux de séduction reposent sur une caractéristique libertine, l’insensibilité à l’amour. Le discours n’est pas vraiment ressenti, il n’est qu’intellectuel. Il repose sur l’art du langage libertin, celui de parler avec ambiguïté. C’est le sens de : “J’aime la discussion ; je ne suis pas bien sûre de ne pas avoir eu envie de me quereller encore avec vous.” (scène 6). Notons la double négation ayant valeur de litote. Le langage occupe une part essentielle dans la séduction libertine : elle occupe toute la place avec des formules complexes. : “savez-vous si elles changent réellement de pensée en changeant quelquefois de langage ? “/ “vous voyez que je suis franche “/ “ êtes-vous sûr que tout mente dans une femme, lorsque sa langue ment ?/(scène 6).
Le langage joue aussi la fonction de caprice : “Je voudrais qu’on me fît la cour” et de défi : “vous n’avez plus au doigt la bague que je vous ai donnée.” (scène 6) / “apprends-le de moi, tu m’aimes, entends-tu ; mais tu épouseras cette fille, ou tu n’es qu’un lâche !” (scène 6)
La dernière fonction du langage libertin est celle de révéler l’ironie : “Je suis curieuse de danser à vos noces !/”persiflage “ / “Allez-vous chez votre épousée ?”(scène 7)
C’est le moment de constater les accents romantiques dans ce même acte.
Chez Perdican, on retrouve l’exaltation de la nature : “mais tu sais ce que disent ces bois et ces prairies, ces tièdes rivières, ces beaux champs couverts de moissons, toute cette nature splendide de jeunesse. Tu reconnais tous ces milliers de frères, et moi pour l’un d’entre eux ;” (scène 3).
Par ailleurs, la confusion des sentiments revient également : “Je voudrais bien savoir si je suis amoureux." (scène 1). Le jeu se fait cruel pour lui : “Parle, coquette et imprudente fille, pourquoi pars-tu ? pourquoi restes-tu ? Pourquoi, d’une heure à l’autre, changes-tu d’apparence et de couleur, comme la pierre de cette bague à chaque rayon de soleil ?” (scène 5).
Camille le trouble : “Je ne sais ce que j’éprouve ; il me semble que mes mains sont couvertes de sang." (scène 8)
Chez Camille, on retrouve aussi cette confusion : “Que se passe-t-il donc en moi ?” (scène 7)/“je ne puis plus prier ! (scène 8)
La sincérité est encore de mise pour nos deux héros romantiques : Camille formule comme un cri du cœur une critique de la société et du sort des femmes :”Avez-vous bien réfléchi à la nature de cet être faible et violent, à la rigueur avec laquelle on le juge, aux principes qu’on lui impose ?” (scène 5).
Elle dévoile aussi le jeu de Perdican prenant corps dans le projet de mariage avec Rosette : elle s’en offusque auprès de lui : “Combien de temps durera cette plaisanterie ?” (scène 7) avant de signifier la mauvaise plaisanterie jouée à la paysanne : “Tu es une bonne fille, Rosette ; garde ce collier, c’est moi qui te le donne, et mon cousin prendra le mien à la place. Quant à un mari, n’en sois pas embarrassée, je me charge de t’en trouver un.” (scène 7).
La dernière scène voit chez nos deux héros une prise de conscience de leur amour réciproque, la sincérité réside entre eux. Lorsque Camille dit “j’ai cru parler sincèrement “ (à Dieu, scène 8), Perdican lui répond en écho : “Orgueil, le plus fatal des conseillers humains, qu’es-tu venu faire entre cette fille et moi ?” (scène 8).
On assiste au moment décisif où Perdican critique le libertinage : “Lequel de nous a voulu tromper l’autre ? “(scène 8). Le champ lexical du jeu est exprimé “ et nous, comme des enfants gâtés que nous sommes, nous en avons fait un jouet./ (scène 8). “ nous avons joué avec la vie et la mort “ (scène 8).
C’est le moment de la prise de conscience des artifices de séduction employés par le duo Camille/Perdican : c’est le choix de la vérité de l’instant, de la révélation de l’amour : Pour Camille, cet amour pour Perdican est la preuve de sa fausse vocation religieuse : “Ce Dieu qui nous regarde ne s’en offensera pas ; il veut bien que je t’aime ; il y a quinze ans qu’il le sait.” (scène 8).
Chez Perdican, même constat : “Il a bien fallu que la vanité, le bavardage et la colère vinssent jeter leurs rochers informes sur cette route céleste, qui nous aurait conduits à toi dans un baiser ! Il a bien fallu que nous nous fissions du mal, car nous sommes des hommes. Ô insensés !” (scène 8).
La sincérité romanesque l’emporte sur le mensonge du libertinage.
On retrouve enfin comme critère romantique l’exaltation de l’amour ainsi que nous l’avions vu précédemment.
Perdican s’interroge :“Quelle honte peut-il y avoir à aimer ?” (scène 2), et aussi sous son aspect idéalisé : “Écoute ! le vent se tait ; la pluie du matin roule en perles sur les feuilles séchées que le soleil ranime. Par la lumière du ciel, par le soleil que voilà, je t’aime !” (à Rosette, scène 2). Il se laisse emporter par ses émotions avec cette métaphore bucolique : “et nous prendrons racine ensemble dans la sève du monde tout-puissant.” (scène 2).
Il faut attendre la scène 5 pour que l’aveu d’amour tant attendu émane de Perdican : “ La voilà ; c’est toi qui me la mets au doigt ! “ (scène 5). On sent la sensibilité à fleur de peau : le discours est bref, il est vrai : “Je t’aime Camille, voilà tout ce que je sais.” ( scène 5). On est dans l’union des coeurs et des corps et dans un silence : le duo, sûr de lui, s’est apaisé : “Insensés que nous sommes ! nous nous aimons.” (scène 8) (Il la prend dans ses bras.) (scène 8). La possession de l’autre est envisagée : “Chère créature, tu es à moi ! (Il l’embrasse” (scène 8). Même écho du côté de Camille : “Oui, nous nous aimons, Perdican ; laisse-moi le sentir sur ton cœur. “ (scène 8)
Mais c’est la première fois dans cette pièce que la notion d’amour impossible est mentionnée : “Hélas ! cette vie est elle-même un si pénible rêve ! Pourquoi encore y mêler les nôtres ? Ô mon Dieu ! le bonheur est une perle si rare dans cet océan d’ici-bas !” (scène 8)
Ce désespoir très romantique conduit Perdican à être critique à l’égard de la religion à la scène 3 “ces pâles statues fabriquées par les nonnes, qui ont la tête à la place du cœur, “ à formuler une prière : “Je vous en supplie, mon Dieu ! ne faites pas de moi un meurtrier !” (scène 8).
Seule Camille prend conscience de l’étendue du désastre : “Elle est morte. Adieu, Perdican !” (scène 8). C’est pour elle l’occasion de choisir la retraite hors du monde avec pour corollaire le refus de l’amour humain exprimé à la scène 7 : “Non, non. — Ô Seigneur Dieu !”
Camille évolue en ce qui concerne son rapport au corps : elle s’examine lorsqu’elle commerce à admettre son amour pour Perdican : “il me semble que la tête me tourne./Je n’en puis plus, mes pieds refusent de ne soutenir.” (scène 7). “Pourquoi suis-je si faible ?” (scène 8) D’ailleurs ce point est noté par son cousin : “vous voilà pâle” ( scène 7) “La voilà pâle et effrayée,” (Perdican, scène 8)
Vous trouverez ci-après le tableau récapitulatif
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repère à suivre : la crise du langage