21 Janvier 2025
L’esthétique de la pièce dépassant la question de la morale est fondée sur le mensonge comme moyen de dresser le schéma actanciel, l’effet comique qui, lui-même, dépend du caractère des procédés employés et de leurs effets.
repère : le bac : Corneille
Retrouvons l'analyse liée au parcours mensonge/comédie du Menteur de Corneille, selon la progression suivante, en nous intéressant à la troisième partie :
1. l'introduction à l'œuvre : contexte, origine et nature de la pièce
2. Le mensonge comme moyen d'action : définitions
3. Le mensonge, comme une fin en soi
- la fonction de la comédie cornélienne,
Il résulte de la lecture de cette pièce que nous ne sommes pas en présence d'un seul menteur mais de plusieurs. En effet, tous à différents niveaux entrent dans une stratégie de la dissimulation de la vérité pour obtenir un objectif déterminé.
Vous pourrez retrouver dans cette synthèse les 4 procédés à l'œuvre dans cette comédie :
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Le mensonge, au sens large dans la pièce de Corneille, c'est-à-dire l’altération volontaire de la vérité (duperie par des mots, manipulation), le quiproquo et la feinte présentent un caractère actif ou passif avec des effets paradoxalement positifs. L’esthétique de la pièce, le schéma actanciel, l’effet comique, le caractère plaisant de la comédie recherchée repose sur les caractères des procédés et leurs effets.
Si l'on regarde le tableau, on peut considérer l'imbrication des deux caractères actif/attaquant ou défensif/passif : on ment donc de sa propre initiative ou l’on ment pour se sortir de l'embarras. C’est l’alternance entre les deux qui donne la dynamique de la comédie.
Rappelons que l'intrigue démarre à partir d'une action positive, c'est-à-dire d'une feinte voulue délibérément par Clarice, qui fait naître le mensonge tout aussi volontaire de Dorante. Le ressort comique résulte de l'utilisation du mensonge lorsqu'il est employé à titre purement défensif comme une réaction impulsive destinée à éviter la colère du père, ou l’aveu d'un orgueil blessé Clarice) ou un triomphe modeste (Lucrèce) etc…
Par ailleurs, ces mensonges présentent des caractéristiques positives, ce qui est paradoxal s'agissant d'un vice de l'homme. Ainsi le mensonge de Dorante conduit à susciter de l'illusion, les exagérations un imaginaire fantasmagorique. Lorsqu’il suscite de la jalousie avec Alcippe, un nouveau mensonge permet de conforter la réconciliation.
Chez les autres personnages, les mensonges ou les feintes ont pour objectif de faire révéler une vérité sous-jacente. Si nous reprenons les différents personnages, nous pouvons relever les différents objectifs poursuivis.
Ainsi, il s'agit pour Clarice, pour éviter d’être dupée, de mettre à l'épreuve son galant et cette mise à l'épreuve consiste à jouer de la feinte pour forcer Dorante à se trahir, à montrer ses vrais sentiments.
Chez Lucrèce, la question consiste à ne pas se dévoiler dans cette rivalité entretenue avec Clarice. Pour les deux jeunes filles, il s’agit en toute hypothèse de faire éclore l’amour.
À l’inverse, on a vu la pure manipulation de Géronte vis-à-vis de Dorante consistant à l'amener sous la fenêtre de celle qu'il escompte marier à son fils. Il s’agit pour lui d’un acte égoïste puisqu’il veut avoir une descendance et fait preuve d’autoritarisme en désavouant son fils par un odieux chantage. Cette situation se fait jour lorsque le faux mariage inventé de toute pièce est révélé.
La comédie cornélienne s'appuie sur le mensonge au sens large pour produire des effets sur le schéma actanciel de la pièce.
Le mensonge produit paradoxalement des résultats positifs pour celui qui s'y emploie : cette absence d'échec dans le mensonge des uns et des autres personnages contribue à en susciter d’autres et donc à faire avancer l'action qui devient périlleuse.
L’essentiel des mensonges aux actes 1 et 2 produisent du charme : ainsi le père est content du pseudo mariage et Clarice tout comme Lucrèce charmée devant le nouveau galant. Le mensonge de Dorante le rend finalement agréable aux yeux de tous avant la découverte de son caractère affabulateur par Philiste (dès l’acte I) et Clarice (Acte III), ce qui n’empêche pas Lucrèce de l’aimer malgré le doute qu’elle va s’employer à lever avec l’aide de Sabine.
Mais à ce jeu extrêmement fin, il n’y a pas que des gagnants : on a vu l’échec du duo Clarice/Isabelle. Géronte et Lucrèce sont clairement gagnants dans l'opération. Reste le sort de Dorante qui se trouve marié pour échapper à la colère de son père. On sait que dans la suite de la pièce, il s’enfuira avant sa noce. (CF la suite du Menteur).
Il reste que le mensonge contribue à forger le héros cornélien comme nous le verrons dans l’article suivant.
repère à suivre : le héros cornélien aux prises avec le mensonge