21 Janvier 2025
Bac : comment Dorante dans le Menteur peut-il devenir un héros admirable ? Cette problématique trouve sa réponse dans le statut de l’honneur et dans sa volonté de devenir ce qu’il s’imagine.
repère : le bac : Corneille
Retrouvons l'analyse liée au parcours mensonge/comédie du Menteur de Corneille, selon la progression suivante, en nous intéressant à la troisième partie :
1. l'introduction à l'œuvre : contexte, origine et nature de la pièce
2. Le mensonge comme moyen d'action : définitions
3. Le mensonge, comme une fin en soi
- la fonction de la comédie cornélienne,
Il sera question de se demander comment le menteur peut devenir un héros admirable. Cette problématique trouve sa réponse dans le statut de l’honneur et dans sa volonté de devenir ce qu’il s’imagine.
Honneur
Le héros cornélien du Menteur ne fait pas injure à la notion d’honneur. S'il ment, ce n'est pas du fait d’une intention malicieuse, pour obtenir indûment un bénéfice. Dorante sait se montrer brave lorsqu'il se bat en duel avec Alcippe : il respecte les codes de l'honneur.
Il peut même être un homme de parole dans les moments où il n'affabule pas. Avec élégance, il dédouane ainsi Clarice de la fête galante pour rassurer son amant.
Par ailleurs, il respecte son père, selon l'usage de l'époque, où il est nécessaire que le fils soit soumis à son géniteur pour préserver l’honneur familial qui dépasse tout. (cf le Cid)
Il est en fait totalement dans son rôle lorsqu'il entreprend des manœuvres de galanterie propre à son rang.
Et pour autant Dorante entretient un rapport tronqué avec la vérité. Pourquoi ment-il donc ? Il faut chercher la réponse dans l'enjeu du mensonge qui réside dans une quête d'identité entreprise par notre héros.
Dorante se présente comme un personnage en quête de lui-même. Le mensonge constitue une conquête non du monde, mais d’un autre lui-même. Il a hâte d'être un héros et non plus un simple étudiant arrivé à Paris en provenance de Poitiers.
Comme l'indique Starobinski, le théâtre cornélien comprend deux personnages clés : Matamore ( dans l'Illusion comique) et Dorante. La ressemblance entre les deux est frappante puisqu'ils ont un rapport tronqué avec la réalité. Comment comprendre le positionnement du menteur cornélien ?
Le héros cornélien s'invente perpétuellement : il cherche un modèle qui le satisferait : les exagérations et les affabulations entrent dans cette stratégie de devenir ce qu'il voudrait être.
Dorante ne se montre pas tel qu'il est, mais tel qu'il voudrait être : on est sur une construction d'une identité imaginaire. Il cherche avant tout à se plaire, à dépasser une réalité ennuyeuse.
Il est épris de rêve de conquête de lui-même ; il a recourt à son imagination folle.
Ce débordement d'esprit, de création chimérique, fait de lui un menteur, mais également un héros par rapport à une réalité sublimée.
Il croit ses mensonges en dépit de sa lucidité comme on l'a vu avec son valet : ce qui l'intéresse c'est ce qu'il peut être le temps d'un instant volé à un présent en devenir.
Sa parole finalement le projette bien en amont de ce qu'il est, mais de ce qu'il pourra être.
Son mensonge n'est que temporaire face à la conquête de lui-même qu'il cherche à entreprendre. Il est l'inventeur de lui-même grâce au pouvoir du langage qui joue parallèlement le même rôle que l’exploit héroïque. On voit l’importance pour un auteur de la richesse d’un personnage qu’il crée à s’inventer sur scène.
Source : Starobinski, l’oeil vivant, Gallimard