16 Janvier 2025
Bac : l'acte IV se situe toujours place royale, mais le lendemain matin. On voit monter en puissance l'action mise en œuvre par Lucrèce et par sa servante, Sabine. A contrario, on voit le retrait du duo Clarice/Isabelle : elles ont manifestement perdu la main.
Retrouvez l'analyse conforme au parcours mensonge/comédie du Menteur de Corneille, selon la progression suivante :
1. l'introduction à l'œuvre : contexte, origine et nature de la pièce
Nous travaillons, depuis le début, avec un tableau qui reprend le code couleur vu dans les précédents actes : vérité / mensonge/ quiproquo / artifice. Examinons ensemble l'avancée des procédés de tromperie dans cette comédie en regardant attentivement chaque scène avant de pouvoir en faire une analyse.
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L'acte se situe toujours place royale, mais le lendemain matin. On voit monter en puissance l'action de la part de Lucrèce et de sa servante Sabine. A contrario, on voit en retrait Clarice et Isabelle qui ont manifestement perdu la main.
Clarice
Notons que Clarice, si elle accepte manifestement la défaite à la scène 9 (v 1389), son orgueil est, quant à lui, blessé. Sa jalousie est intacte « En l’état où je suis, j’en parle sans envie » (Sc 9, V 1430). Elle laisse donc le champ libre à Lucrèce.
Sur le plan de notre thématique mensonge et comédie, c'est donc du côté de l'autre duo qu'il faut que nous regardions désormais.
Lucrèce
Cette dernière échafaude des ruses pour attirer l'attention de Dorante sur sa personne. Elle donne une mission précise à sa servante, Sabine, et notamment s’agissant de la lettre de Dorante qu’elle est censée avoir déchirée sans l'avoir lue (sc 8, vers 1374).
La consigne générale est la suivante :
« Donne lui de l’espoir avec beaucoup de crainte” Sc 8 V1386
Le rôle réservé à la servante est donc très important puisqu'elle applique les consignes de Lucrèce qui sont toutes des ruses :
“Et l'avertis surtout des heures et des lieux
Où par rencontre il peut se montrer à mes yeux”.
(Sc 8 V1379)
Elle a besoin d'être rassurée face aux affabulations de Dorante.
Mais dans cet acte, on voit qu'elle entre activement en rivalité avec son amie. En effet, on assiste à un mensonge qui a la particularité de n'être pas adressé à Dorante. Lucrèce ment en réalité à Clarisse lorsqu'elle lui dit :
« …et tu dois seulement présumer/Que je penche à le croire et non pas à l'aimer » ( Sc 9, V 1403).
Elle réitère son mensonge :
“Je fais de ce billet même chose à mon tour;
Je l'ai pris, je l'ai lu, mais le tout sans amour :”
sc 9 V1423.
Voyons l’autre personnage de ce duo, Sabine.
Sabine
En effet, la servante se trouve envoyée en mission par sa maîtresse : « elle avoue de qu'exprès je me sois fait paraître » scène 6, v 1346.
Nous avons donc une feinte qui se met en place. Et c'est précisément ladite servante qu'attendent Dorante et Cliton au début de l'acte.
Elle doit notamment livrer des confidences sur le demi-amour de Lucrèce pour Dorante à Cliton, le valet.
Or, on peut faire un parallèle avec ce dernier, puisqu'elle fait également preuve d’initiative et de clairvoyance, considérant ainsi que le fait de la soudoyer constitue pour Dorante un aveu d'amour : « si qui donne à vos gens est sans amour pour vous » (sc 8 V 1368).
Voyons Dorante.
Dorante
À ce stade de la pièce, on voit que le jeune homme perd de sa superbe : on a vu que la scène de la veille l’a laissé dans la plus grande confusion, c’est un sentiment qu’il ne connaît pas tant son assurance est en général grande.
Mais en ce lendemain, il n’est plus dans le même état d’esprit : il cherche à agir de manière cachée. C’est ainsi qu’il utilise des artifices pour arriver à ses fins. Il entreprend, en effet, de corrompre la servante de Lucrèce. Il emploie la métonymie suivante : « Mais ces gens ont des mains » (Sc 1, V1104).
Mais le naturel revient au galop à la scène 3 où, contrairement aux différentes scènes entre le maître et le valet, Dorante se plaît à mentir à Cliton : il lui fait ainsi le récit du duel avec Alcippe où un tout nouvel imaginaire est convoqué avec le champ lexical de la magie : il excipe de son pouvoir de guérison (ressusciter), de formule magique, “le secret” en hébreux (sc 3 V 1196). Rien n’est trop beau pour enjoliver la situation : il se voit en polyglotte (10 langues) (sc 3 V 1200). On est dans le domaine de l’extravagance qu’il ne quitte jamais tout à fait se défendant même d’être un affabulateur : “Quoi ! mon combat te semble un conte imaginaire ? ( Sc 3 V 1073). Il joue avec la réalité, il crée un exploit de toute pièce.
À la scène 4, il ment une nouvelle fois à son père, pris dans l’engrenage de son pseudo mariage secret : agissant de manière défensive, il improvise, comme la stratégie du vers unique le montre amplement, là où les longues tirades signent sa passion active pour l’affabulation : on a ainsi en trois temps le déploiement ramassé du mensonge : “elle est grosse.” (V 1227) qu’il complète deux vers plus tard “Et de plus de six mois” (V1229) et enfin ”Vous ne voudriez pas hasarder sa grossesse ?” (V1229). Il est un peu plus loquace s’agissant du deuxième mensonge relatif au changement de nom du père de sa prétendue femme (v1242).
On assiste donc à un effort laborieux consenti par Dorante pour sortir du piège de son mariage secret. À la scène 5, il pousse un cri de soulagement “Enfin j’en suis sorti” (sc 5 V1259).
Vérité
Dorante ne poursuit ses mensonges qu’à l’égard de son père et de son valet : pour les autres personnages, la vérité est connue.
Doute
Il reste que les propos sortant de la bouche de Dorante sont désormais soumis à caution : on est donc sur le doute, qui est à mi-chemin entre la vérité et le mensonge.
Ce doute participe à la stratégie de la comédie. Pourquoi ? Il a pour effet de conduire à l’instigation de feintes nécessaires pour percer le coeur du jeune héros cornélien.
Passons à l’acte final dans l'article suivant.
repère à suivre : compréhension de l'acte V