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Analyse-Livres & Culture pour tous

Gazette littéraire

Les figures de style dans "Nana" de Zola

Dernière étape de l'analyse de la méthode des 6 Grosses clefs débouchant, elle-même, sur l'utilisation d'un plan type, CIIGARE. Retrouvez les figures de style dans l'extrait du chapitre 7 du roman de Zola ...

 

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repères : temps des examens : exercices

Application de la méthode

Retrouvez le flash mémo pour tout comprendre sur la méthode :  il s’agit de colorier le texte de six manières à l'aide du moyen mnémotechnique des 6 Grosses clefs. L'entraînement est décomposé en 7 étapes pour que vous puissiez suivre pas à pas la méthode :

Rappel : vous ne devez faire en aucun cas un catalogue, ce qui vous oblige à colorier l'essentiel : je vous rappelle que vous devez donc rechercher ce qui change et ce qui surprend (original). Voici donc la correction de la 6e partie consacrée aux figures de style.

Coloriage 

 Alors, il leva les yeux. Nana s’était absorbée dans son ravissement d’elle-même. Elle pliait le cou, regardant avec attention dans la glace un petit signe brun qu’elle avait au-dessus de la hanche droite ; et elle le touchait du bout du doigt, elle le faisait saillir en se renversant davantage, le trouvant sans doute drôle et joli, à cette place. Puis, elle étudia d’autres parties de son corps, amusée, reprise de ses curiosités vicieuses d’enfant. Ça la surprenait toujours de se voir ; elle avait l’air étonné et séduit d’une jeune fille qui découvre sa puberté. Lentement, elle ouvrit les bras pour développer son torse de Vénus grasse, elle ploya la taille, s’examinant de dos et de face, s’arrêtant au profil de sa gorge, aux rondeurs fuyantes de ses cuisses. Et elle finit par se plaire au singulier jeu de se balancer, à droite, à gauche, les genoux écartés, la taille roulant sur les reins, avec le frémissement continu d’une almée dansant la danse du ventre.

Muffat la contemplait. Elle lui faisait peur. Le journal était tombé de ses mains. Dans cette minute de vision nette, il se méprisait. C’était cela : en trois mois, elle avait corrompu sa vie, il se sentait déjàté jusqu’aux moelles par des ordures qu’il n’aurait pas soupçonnées. Tout allait pourrir en lui, à cette heure. Il eut un instant conscience des accidents du mal, il vit la désorganisation apportée par ce ferment, lui empoisonné, sa famille détruite, un coin de société qui craquait et s’effondrait. Et, ne pouvant détourner les yeux, il la regardait fixement, il tâchait de s’emplir du dégoût de sa nudité.

Nana ne bougea plus. Un bras derrière la nuque, une main prise dans l’autre, elle renversait la tête, les coudes écartés. Il voyait en raccourci ses yeux demi-clos, sa bouche entr’ouverte, son visage noyé d’un rire amoureux ; et, par derrière, son chignon de cheveux jaunes dénoué lui couvrait le dos d’un poil de lionne. Ployée et le flanc tendu, elle montrait les reins solides, la gorge dure d’une guerrière, aux muscles forts sous le grain satiné de la peau. Une ligne fine, à peine ondée par l’épaule et la hanche, filait d’un de ses coudes à son pied.

Figures de style

Pour procéder à cette description, Zola recourt à différents procédés stylistiques qui ont pour objet de montrer un double point de vue interne, celui de Muffat qui regarde Nana se regarder. Retour sur les points de vue que vous devez rechercher dans les œuvres romanesques.

Pour cela, dans le premier paragraphe, on relève d’abord le point de vue interne de Muffat qui examine en détail la jeune fille.

C’est par un procédé d’énumérations de verbes tels que « pliait, touchait/ faisait saillir/» qu’il assiste à l’examen intime et complet effectué par Nana. Mais il ne fait pas que regarder, il cherche également à la comprendre. Il émet alors des hypothèses sur les intentions de cette dernière. Ainsi l’expression « le trouvant sans doute drôle et joli » le place dans une démarche active : cette quête d’explication est assortie de certitude avec l’emploi « sans doute » qui est une locution adverbiale. Il voit, en outre, Nana sous un jour frivole avec l’énumération « drôle et joli ». Muffat pose également un jugement de valeur encore négatif sur Nana avec l’oxymore « curiosités vicieuses d’enfant » : il est quasiment dans l’analyse psychologique. Il considère que Nana se livre à une découverte de son corps qui est propre à l’enfance.

C’est à ce moment que Zola fait intervenir un autre point de vue : celui de Nana : « Ça la surprenait toujours de se voir ; elle avait l’air étonné et séduit d’une jeune fille qui découvre sa puberté. » Ce changement de point de vue donne à la scène un effet de fraicheur et de profondeur d’autant que l’idée de l’un des protagonistes est poursuivie par l’autre comme s’ils se répondaient. Ainsi on passe de l’enfance soulignée par Muffat à la puberté notée cette fois par Nana dans un effet de gradation.

La finesse d’analyse de Nana repose sur la réflexivité « se voir » et de ce qu’elle en tire comme argument : elle recourt alors à la métaphore « d’une jeune fille qui découvre sa puberté » pour qualifier l’impression qu’elle ressent. On devrait dire les impressions, car elles sont nombreuses toutes rattachées à un paradoxe : l’hédonisme de Nana cache en réalité un profond questionnement.

On découvre, en effet, que son rapport au corps n’est pas clairement établi puisqu’elle a besoin de s’étudier dans le détail avec la reprise des énumérations de verbes, c’est-à-dire sur l’action qu’elle mène :  «ouvrit/ploya/s’examinant/s’arrêtant». On voit aussi une énumération de noms, soit sur les objets d’examen avec les parties de son corps « bras/torse/genoux etc… ».

On relève en outre une gradation descendante dans les impressions : on passe de l’hédonisme au travers du « ravissement d’elle-même » à une interrogation qui nécessite un examen minutieux « avec attention» débouchant sur un étonnement avec le verbe « surprenait » et l’adverbe « toujours ». Il faut attendre la fin du paragraphe pour que Nana revienne à l’hédonisme initial : « elle finit par se plaire ».

Dans cette analyse d’elle-même, la jeune fille s'assigne une fonction déterminée dans la vie ; elle recourt à une allégorie de l’amour exprimée par la déesse antique Vénus qui, dans son esprit, est nécessairement plantureuse avec l’adjectif épithète « grasse ». On voit également une métaphore orientaliste avec « une almée dansant la danse du ventre » avec la redondance « dansant la danse du ventre » pour insister sur le caractère sensuel des mouvements entrepris.

Dans le deuxième paragraphe, on revient au point de vue interne de Muffat qui s’analyse lui-même : Zola nous donne à lire dans le for intérieur du personnage. Et ce que l’on y lit est paradoxal : le spectacle pourtant sensuel lui procure un profond malaise. Celui-ci est exprimé par le mot « peur » associé à un geste évocateur avec le journal qu’il fait tomber. On note le mouvement descendant dans les sentiments qu’il éprouve allant de la peur au dégoût que Nana suscite en lui.

De manière réflexive, la vision qu’il a de lui-même n’est guère flatteuse : Muffat s’accable avec le verbe « se méprisait ». Pour insister sur la détestation de lui-même, on peut relever l’emploi d’hyperboles : « té jusqu’aux moelles »/« par des ordures »/« pourrir en lui »/« lui empoisonné »/ « sa famille détruite », « un coin de société qui craquait et s’effondrait ». Notons la gradation montante qui part du particulier au général, soit de lui-même pour arriver à la société.

Dans le dernier paragraphe, on reste au point de vue interne de Muffat qui revient sur la jeune femme. Pour ce faire, on assiste à la reprise des énumérations de détails sur son attitude « ne bougea plus/ployée/flanc tendu » ; on relève aussi des énumérations de parties du corps « bras, main, tête, coudes etc »… Cette longue description débouche paradoxalement sur une animalisation de Nana qui devient une « lionne » avant de lui redonner une apparence humaine avec le nom « guerrière » mais qui fait référence à une civilisation archaïque : il s'agit d'un point de vue qui n'a rien de mélioratif...

Dans le prochain article, il vous sera proposé de travailler sur le plan en deux parties, le plan type, CIIGARE. 

repère à suivre : le plan CII/GARE

 

 

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