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Analyse-Livres & Culture pour tous

Gazette littéraire

Inventaire de l’atelier de l’auteur de la “Rage de l’expression” ( Ponge)

Dans l'atelier du poète, le recueil fait figure un tableau. Le parallèle entre écriture et peinture est voulu par Ponge, car ce dernier éprouve un intérêt tout particulier pour cet art. Dans sa poésie, l’auteur se consacre, tel le peintre aux choses (mimosa, œillet) qui constituent le support même de son travail fondé sur l’observation qui s’effectue en prise directe avec l'extérieur (forêt etc.). Le contenu du recueil est également un objet artistique que ce soit par le choix de la typographie ou le soin apporté à la ponctuation, ou que ce soit par le recours aux néologismes et à l'intertextualité…

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Progression

Comment Francis Ponge conçoit-il l’art poétique ? C'est le sens de la problématique que la Gazette a décidé de traiter dans les articles suivants : 

Objets

Il est temps de faire l'inventaire de l’atelier de Francis Ponge. Que trouve-t-on de si singulier  ?

Comme un peintre, le poète se consacre aux choses (mimosa, œillet). Elles constituent l’objet même de son travail qui n’est pas figé : il implique un rapport intérieur/extérieur, car cet atelier n’est pas un lieu clos.

Comme un impressionniste, il crée en effet, en plein air (forêt, berges de la  Loire, oiseaux) au contact direct avec le réel. 

En dehors des choses croquées, on trouve aussi un dictionnaire, mais pas n'importe lequel, le Littré. C’est en fait une véritable encyclopédie qui comporte un volet étymologique, grammatical et historique outre de nombreuses citations littéraires. Cette dimension multiple ne pouvait qu’accompagner Ponge dans son entreprise. Mais l’œuvre, en elle-même, peut être considérée comme un objet d’art.

Recueil

Le recueil  peut figurer comme un tableau, une œuvre d'art.

Ponge lui-même établit ce rapprochement, il dit expressément :

«Mais, si je m’ausculte un peu plus attentivement : ce n'est pas seulement de lecture que je me trouve avoir envie ou besoin; aussi de peinture aussi de musique (moins). Il me faut donc écrire de façon à satisfaire ce complexe de besoins.» (le Carnet du bois de pins, 6 août 1940 page 107). Il fait référence notamment à Vinci (page 139).

La singularité tient à la forme de cette composition : il s'agit d'un journal poétique avec des écrits épars, qui sont autant d'expressions jamais achevées. 

Intéressons-nous désormais au contenu du recueil.

On a dans un premier temps montré sa progression : on a considéré que l’œuvre devient de plus en plus compacte, avec la correspondance et les appendices.

Regardons maintenant les pages, comme la toile du maître.

Que constate-t-on ?

a) typographie

Ponge se soucie de la typographie, on décèle dans le texte un arrangement précis, rigoureux, s’apparentant aux traits du peintre. 

On a ainsi des titres en lettres capitales : «NOUVELLES NOTES POUR MON OISEAU» (p.44).

D'autres sont en italique «Balle de fusil» (p.32). 

Ponge insère également des mots en italique ou en lettres capitales dans le corps du poème (cf. La Guêpe, dernier paragraphe, p.33). 

On a vu que Ponge a choisi une forme éclatée : concrètement, on relève que les fragments sont donc séparés par un astérisque lorsqu'il n'y a pas de titre ou de date. Ainsi, on peut lire : 

«

 *

 Un barbare essaim parcours la campagne le jardin en est parcouru. ( La Guêpe page 32)

 * 

b) ponctuation

Le texte de Ponge est ultra ponctué : points d’exclamation, d'interrogation, de suspension, tirets, etc. Il s’agit de rendre compte de la réflexion prise sur le vif, du rapport direct entre ce qui est pensé et écrit : il n’y a pas de filtre.

Le poète nous donne à voir l’élaboration de sa pensée  : colorions en bleu la ponctuation pour nous en rendre pleinement compte :

‘Non !

 Décidément,  il faut que je revienne au plaisir du bois de pins.

 De quoi est-il fait,  ce plaisir ? - Principalement de ceci : le bois de pins est une pièce de la nature, faite d'arbres tous d'une espèce nettement définie ; pièce bien délimitée, généralement assez déserte, où l'on trouve abri contre le soleil, contre le vent, contre la visibilité ; mais abri non absolu, non pas isolement. Non ! C'est un abri relatif, un abri non cachotier, un abri non mesquin, un abri noble. (Carnet du bois de pins p. 77)

c) le lexique

Sur le fond, Ponge travaille les mots :  il crée des combinaisons souvent à des fins caustiques faites des rapprochements de termes.

Il invente un néologisme : "l'objeu", contraction de l'objet et du jeu. Il manipule le langage avec rigueur et créativité. 

Dans son recueil, on peut souligner des éléments que l'on peut qualifier de "traditionnels" :  on met entre parenthèses ce terme, puisque Ponge ne relève pas à proprement parler du classicisme.

"Tradition"

Ponge est un poète qui s'oblige à une rigueur expressive :  il respecte ainsi la ponctuation, à la différence de bon nombre de surréalistes. 

On peut insister, en outre,  sur l'intertextualité,  c'est-à-dire sur les références implicites à des auteurs précédents : La Fontaine notamment avec le recours à la prosopopée destinée en l'occurrence à faire parler un animal (cf. la Guêpe). 

Mais il cite  explicitement ce moraliste avec l’étude de ses fables : "le Lion et le Rat, le Roi vieilli, Les animaux malades de la peste etc." ( La Mounine ou note après coup sur un ciel de Provence p.134).

Loin de s’arrêter à ce seul auteur du XVIIe siècle, il évoque aussi d’Aubigné (p.69), Théophraste et ses caractères, auteur de l'Antiquité.

On voit aussi des références à Rimbaud avec son sonnet intitulé "Voyelles": "le mot oiseau (...) contient toutes les voyelles" ( notes prises pour un oiseau p. 34).

Le schéma figurant dans la 6e partie rappelle Apollinaire et ses calligrammes.

Ponge s'exprime le plus souvent au présent en conférant à ce temps une valeur à la fois d’énonciation d'un discours en cours d'élaboration et également de vérité générale : "Les choses et les poèmes sont inconciliables”  (Berges de la Loire p. 24).

Dans l’article suivant, nous verrons la portée de son œuvre.

repère à suivre : la portée de son œuvre.

 

 

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