Analyse-Livres & Culture pour tous
3 Octobre 2023
Deux éléments sont importants dans le titre : l’emploi du déterminant possessif "mes" qui pose un triple mouvement poétique convoquant le versant extérieur-intérieur-extérieur du monde et le pluriel du nom commun "forêt" évoque pour sa part le paysage mental de la poétesse dans toute sa multiplicité.
repères : Hélène Dorion : présentation
La problématique choisie s’articule autour de la question de savoir comment le dérèglement du monde extérieur produit un effet sur l’intime. Pour y répondre, nous vous proposons un dossier comprenant une présentation générale, suivie de l’analyse linéaire de trois poèmes significatifs.
Aujourd’hui nous verrons la question du titre du recueil, « Mes forêts »
On note deux éléments importants :
– l’emploi du déterminant possessif,
– le pluriel du nom commun forêt
Reprenons ces deux points, si vous le voulez bien.
On relève que le possessif est à la première personne du singulier : « mes forêts » au début et à la fin des 4 parties, « ma vie »/ » moi-même » (dernier vers du recueil).
Dans le corps du recueil, on note la présence du pronom « je » : « je déchiffre »/j’écoute « (1e partie).
C’est donc la vision personnelle d’Hélène Dorion qui est à l’œuvre. Mais lorsqu’elle évoque son autobiographie, elle n’utilise pas le pronom personnel « je » (cf. avant la nuit, 4e partie), ce qui montre la complexité de son entreprise poétique.
En progressant dans la lecture, les déterminants possessifs ou les pronoms personnels deviennent changeants et ainsi multiples : si on retrouve le je : « je n’entends plus le loup “(3e partie), on a aussi "tu"/ "leur’/"sa fragilité" (2e partie).
Rapidement on est interpellé par la présence de la première personne du pluriel qui prend le pas sur les autres formes : "nos frêles illusions" (1e partie), ”nos corps » etc…
Que peut-on en penser ?
L’auteure part donc de ses propres impressions qu’elle ne limite pas à sa seule personne, mais qu’elle ouvre à un plus large auditoire. Elle s’adresse ainsi tant à elle-même, qu’à la communauté humaine.
C’est une poésie qui part de soi pour aller vers autrui.
C’est également une poésie qui s’appuie sur un pluriel.
Pourquoi l’auteure évoque-t-elle « mes forêts « et non pas « ma forêt » ?
Le singulier aurait permis de la situer dans un environnement proche (ex : forêt de son enfance, forêt proche de chez elle, forêt imaginaire…)
Le terme au pluriel « mes forêts « suggère, par définition, une multitude, ce qui implique par définition plusieurs paysages sylvestres (c. a. d. de forêts).
Qu’a-t-elle vraiment voulu dire ?
Il s’agit de concevoir le titre “mes forêts” non comme un lieu précis, mais comme un terme générique. Ce pluriel s’analyse comme l’expression de différentes représentations du monde au sens large.
La forêt telle que nous la connaissons constitue donc l’intermédiaire entre la nature et l’inspiration poétique de l’auteure. On peut traduire le mouvement du recueil qui part de l’extérieur pour conduire vers l’intérieur. Mais l’analyse des poèmes nous montre que ce double mouvement est en réalité triple puisque de l’extérieur à l’intérieur, on a encore un mouvement vers l’extérieur. La dynamique créatrice se résume ainsi : extérieur/intérieur/extérieur.
Dans l’article suivant, nous examinerons la composition du recueil.
repère à suivre : la composition du recueil.