Dans les “Fausses Confidences” (Marivaux) : la comédie du valet

Il s’avère que dans les Fausses Confidences, la comédie du valet évolue pour devenir une comédie d’intrigues, une comédie sentimentale. Cette pièce repose sur le personnage même de Dubois, sur l'enchevêtrement des intrigues et enfin sur un schéma actanciel précis. 

repère : bac : les Fausses Confidences (Marivaux)

Dans l’article précédent, nous avons cerné la problématique conformément au programme officiel : théâtre et stratagème. Nous allons donc nous intéresser aux mécanismes utilisés par Marivaux pour faire triompher l’amour au travers des quatre stratagèmes suivants :

 1. la notion de comédie du valet : inversion des rôles entre maître et serviteur dans une comédie sentimentale : 

   2. l'élaboration du stratagème : analyse de l'acte 1, scène 2 :     

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    3. le rôle de la lettre : analyse de la lettre dictée acte II, scène 13

     4. l’importance de la parole : l’aveu : analyse de l’acte III, scène 12

Aujourd’hui, nous allons aborder la comédie du valet, un sous-genre littéraire qu’il faut bien comprendre. Que faut-il retenir de cette dénomination ? 

Il s’agit pour le dramaturge de procéder à l’inversion des rôles entre le valet et le maître, le premier dominant le second par la ruse.

Valet rusé

Dans la comédie classique, le valet rusé joue un rôle actif. Il s’agit, la plupart du temps,  et notamment chez Molière, de contrecarrer le projet du maître qui, à l’inverse, joue un rôle passif. 

L'intrigue se situe toujours dans la sphère familiale. Elle concerne, en général, un projet de mariage décidé par le père. Le serviteur prend fait et cause pour le fils/fille appélé(e) à être marié(e) de force. Toute l’action vise pour le valet à contrecarrer le projet paternel. Le père subit ainsi l’action et voit à la fois ses désirs et son autorité contrariés.

La Gazette vous renvoie, pour plus de détails, à des articles déjà publiés sur la comédie du valet :

• le cercle familial
• l’emploi du valet au XVIIe siècle
• le schéma actanciel
• les codes du genre
• le cas chez Marivaux : le travestissement

Il s’avère que dans les Fausses Confidences, la comédie du valet évolue. Elle devient une comédie d’intrigues : il s’agit d’une succession d’agissements essentiellement liés au progrès et au développement des sentiments chez les personnages. C’est donc pour cela que l’on parle de comédie sentimentale qui repose :  

• sur le rôle du valet Dubois, 
• sur l'enchevêtrement des intrigues sentimentales 
• sur le schéma actanciel. 

Dubois

Dans cette comédie sentimentale, le valet joue un rôle crucial, car c’est lui qui crée l’action : Dubois a poussé Dorante à entrer au service d’Araminte pour en obtenir ses faveurs. Le valet se situe donc à l’origine de l’intrigue qu’il a élaborée de toute pièce. Son influence secrète pour les membres de la maisonnée se mesure durant toute la pièce puisqu’il manœuvre du début jusqu’à la fin. 

De plus, à la différence des autres comédies du valet, Dubois ne répond pas à une demande d’un des membres de la famille. Il intervient, au contraire spontanément, par pure empathie : il veut remédier au chagrin d’amour de son ancien maître. Le valet a ainsi une autonomie propre qui est beaucoup plus grande que dans les comédies de Molière. En effet, dans les Fausses Confidences, Dorante est passif, ne prenant aucune initiative ; il obéit au valet, ce qui fonde le ressort de cette comédie. 

Dans cette pièce, le serviteur agit, en outre, de manière totalement désintéressée : il ne cherche pas comme dans d’autres comédies du genre à gagner de l’argent ou à se venger personnellement du maître ; il n’en tire aucun profit, il veut juste le bonheur de son ancien maître. 

Enfin pour la mise en œuvre de l’intrigue, le valet est finalement moins rusé (connotation péjorative) qu’habile (connotation méliorative) : il sonde profondément les personnages, prédit de manière juste leurs actions et manœuvre en conséquence pour la réussite du plan.

L’enchevêtrement des intrigues

On voit que l’action avance à coup d’intrigues, qui permettent aux personnages de faire mûrir leurs sentiments. Ces intrigues se succèdent d’acte en acte. 

Dans cette pièce, on assiste, en effet, à l’émergence de plusieurs intrigues qui s'emboîtent ; elles sont finement exploitées par Dubois pour la concrétisation du plan principal : le mariage de Dorante et Araminte. On peut ainsi considérer les intrigues suivantes :

• L’introduction de Dorante en qualité d’intendant, le jeune homme suscite de l’intérêt auprès d’Araminte,
• Le projet de mariage de Marton avec Dorante avec l’aide de monsieur Rémy, ce qui pique la jalousie de Araminte, dont l’intérêt va croissant.
• Le projet de mariage d’Araminte et du comte avec l’aide de Mme Argante, et de Marton (paiement) qui désole Dorante, mais pas Dubois qui tient toutes les ficelles,
• Le projet de mariage de Dorante avec une femme richissime avec l’aide de monsieur Rémy : le  refus de Dorante flatte Araminte qui éprouve des sentiments qu’elle cache tant à elle-même qu’aux autres.
• La livraison d’un portrait est une mise à l'épreuve par Dubois de Araminte qui voit finalement sa fierté fléchir de manière inversement proportionnelle à son amour croissant pour Dorante,
• La rédaction de deux billets/lettres : ce sont deux mises à l’épreuve, l’une d’Araminte qui cherche à obtenir l’aveu d’amour de Dorante, et l’autre de Dorante via Dubois (toujours !) qui cherche à provoquer ce même aveu chez la jeune femme.
• La séparation des deux amoureux avec l’aveu d’amour d’Araminte et l’aveu du stratagème par Dorante.

Schéma actanciel

Ancien opposant, le valet de la comédie morale se révèle l’adjuvant désintéressé de son maître. Ce renversement donne lieu à une redéfinition du schéma actanciel. 

Dubois agit de manière intelligente : il connaît parfaitement les codes sociaux de son époque, mais loin de les appliquer, il cherche à les transgresser.  Son objectif est de briser tous les obstacles pour faire triompher l’amour. En reprenant le schéma ci-dessus, on peut l'adapter ainsi :

repère à suivre : élaboration du plan : analyse de l'acte 1, scène 2