Analyse-Livres & Culture pour tous
11 Avril 2023
MOOC : L'entraînement à la méthode des 6 GROSSES CLEFS pour la préparation au bac de français s'achève avec cette dernière étape : les figures de style à rechercher dans l'incipit d'un Cœur simple de Flaubert. La Gazette vous propose un quiz pour vous guider.
repères : bac : méthode des 6 GROSSES CLEFS©
Entraînez-vous à la méthode des 6 GROSSES CLEFS avec l'incipit d'un Cœur simple de Flaubert :
Gr : grammaire C : Conjugaison
OS : oppositions le : champ lexical
SE : les 5 sens FS : figures de style
Vous avez dû faire le point sur vos connaissances à l'aide des fiches de révision proposées par la Gazette. Vous pouvez désormais procéder à l'analyse.
Voici un quiz qui vous permettra de chercher dans le bon sens. Vous êtes prêts ?
1.Quelle est la nature du texte ?
2. La nature de ce texte est-elle ?
3. Quel est le genre littéraire auquel appartient ce texte ?
4. L’auteur respecte-t-il les codes habituels du genre ?
5. Quel est le(s) point (s) de vue employé(s) par l’auteur ?
6. Quel est le positionnement du narrateur ?
7. Qui parle lorsqu’on lit au sujet de madame Aubain « pas très agréable » ?
8. Qui parle lorsqu’il est question de la salle ?
9. Qui parle lorsqu’il est question du portrait de « monsieur » et de la chambre de « madame » ?
10. Quelles sont les boites de figures de style qui sont les plus utilisées par Flaubert ?
11. Quel est le procédé qui consiste à parler de manière sous-entendue ?
12. Quelle est la personne qui s’exprime par sous-entendus ?
13. Quel est l’effet recherché par l’antiphrase, la litote, le procédé allusif dans cet incipit ?
14. À quoi sert le procédé d’énumération ?
15. Quel est l’effet final produit par l’expression de la femme en bois ?
16. À quel(s) type(s) de registres littéraires se rattache cet incipit ?
Analyse à effectuer
“Un coeur simple” est un conte écrit par Gustave Flaubert dans la dernière partie de sa vie alors qu’il s’est illustré dans le roman réaliste. Puisant dans ses souvenirs d’enfance, l’auteur situe l’action en Normandie, au XIXème siècle dans le monde ouvrier et paysan. Il met en scène l’existence tragique de Félicité, jeune fille de dix-huit ans, trahie par son fiancé et qui trouve un emploi en tant que servante dans une maison bourgeoise. Dans cet incipit, la servante est présentée dans ses activités quotidiennes…
"Pendant un demi-siècle, les bourgeoises de Pont-l’Évêque envièrent à Mme Aubain sa servante Félicité.
Pour cent francs par an, elle faisait la cuisine et le ménage, cousait, lavait, repassait, savait brider un cheval, engraisser les volailles, battre le beurre, et resta fidèle à sa maîtresse, — qui cependant n’était pas une personne agréable.
Elle avait épousé un beau garçon sans fortune, mort au commencement de 1809, en lui laissant deux enfants très jeunes avec une quantité de dettes. Alors, elle vendit ses immeubles, sauf la ferme de Toucques et la ferme de Geffosses, dont les rentes montaient à 5,000 francs tout au plus, et elle quitta sa maison de Saint-Melaine pour en habiter une autre moins dispendieuse, ayant appartenu à ses ancêtres et placée derrière les halles.
Cette maison, revêtue d’ardoises, se trouvait entre un passage et une ruelle aboutissant à la rivière. Elle avait intérieurement des différences de niveau qui faisaient trébucher. Un vestibule étroit séparait la cuisine de la salle où Mme Aubain se tenait tout le long du jour, assise près de la croisée dans un fauteuil de paille. Contre le lambris, peint en blanc, s’alignaient huit chaises d’acajou. Un vieux piano supportait, sous un baromètre, un tas pyramidal de boîtes et de cartons. Deux bergères de tapisserie flanquaient la cheminée en marbre jaune et de style Louis XV. La pendule, au milieu, représentait un temple de Vesta, — et tout l’appartement sentait un peu le moisi, car le plancher était plus bas que le jardin.
Au premier étage, il y avait d’abord la chambre de « Madame », très grande, tendue d’un papier à fleurs pâles, et contenant le portrait de « Monsieur » en costume de muscadin. Elle communiquait avec une chambre plus petite, où l’on voyait deux couchettes d’enfants, sans matelas. Puis venait le salon, toujours fermé, et rempli de meubles recouverts d’un drap. Ensuite un corridor menait à un cabinet d’étude ; des livres et des paperasses garnissaient les rayons d’une bibliothèque entourant de ses trois côtés un large bureau de bois noir. Les deux panneaux en retour disparaissaient sous des dessins à la plume, des paysages à la gouache et des gravures d’Audran, souvenirs d’un temps meilleur et d’un luxe évanoui. Une lucarne, au second étage, éclairait la chambre de Félicité, ayant vue sur les prairies.
Elle se levait dès l’aube, pour ne pas manquer la messe, et travaillait jusqu’au soir sans interruption ; puis le dîner étant fini, la vaisselle en ordre et la porte bien close, elle enfouissait la bûche sous les cendres et s’endormait devant l’âtre, son rosaire à la main. Personne, dans les marchandages, ne montrait plus d’entêtement. Quant à la propreté, le poli de ses casseroles faisait le désespoir des autres servantes. Économe, elle mangeait avec lenteur, et recueillait du doigt sur la table les miettes de son pain, — un pain de douze livres, cuit exprès pour elle, et qui durait vingt jours.
En toute saison elle portait un mouchoir d’indienne fixé dans le dos par une épingle, un bonnet lui cachant les cheveux, des bas gris, un jupon rouge, et par-dessus sa camisole un tablier à bavette, comme les infirmières d’hôpital.
Son visage était maigre et sa voix aiguë. À vingt-cinq ans, on lui en donnait quarante ; dès la cinquantaine, elle ne marqua plus aucun âge ; — et, toujours silencieuse, la taille droite et les gestes mesurés, semblait une femme en bois, fonctionnant d’une manière automatique.
Flaubert, un Cœur simple (1877)
repère à suivre : réponses au quiz