Analyse-Livres & Culture pour tous
27 Janvier 2023
Dans le champ du roman énergétique, le désir figure la vie. Il implique un choix à faire, celui que Raphaël effectue entre la sagesse qui permet de vivre longtemps et d’autre part, le vouloir qui brûle l’existence et le pouvoir qui la détruit. Dans “la Peau de chagrin”, la métaphore du feu qui consume évoque l’interdépendance entre le désir et le raccourcissement du temps, soit entre le désir et la mort.
repère : “la peau de chagrin” de Balzac : un roman énergétique
Nous allons montrer les éléments à partir desquels Balzac conçoit sa propre vision du roman énergétique selon le plan suivant :
a.définition de la Peau de chagrin :
-nature et rôle de la Peau de chagrin (Balzac)
-analyse linéaire du pacte entre Raphaël et la Peau (première partie)
b.l’énergie de la lumière :
- analyse linéaire du lendemain de l’orgie (deuxième partie)
c. l’énergie du désir :
- le rôle "énergivore" du désir,
- l’analyse linéaire de la mort de Raphaël (troisième partie)
d. les registres fantastique et tragique
À côté de la lumière, Balzac s’est intéressé à une autre source d’énergie : le désir. Celui-ci résulte d’un choix à effectuer.
Le désir est défini comme “l’action de désirer.” On note qu’il s’agit d’une action, c’est-à-dire d’un mouvement, entrant dans le champ du roman énergétique.
En l’occurrence, un choix est à effectuer. Par définition, un choix implique deux termes distincts.
On a vu le pacte souscrit par Raphaël : il a eu à choisir entre, d’une part, la sagesse vantée par l’Antiquaire centenaire et d’autre part, le vouloir et le pouvoir. Il s’agit de deux aspirations non seulement différentes, mais opposées.
La sagesse repose sur une quête du savoir. L'antiquaire explique que l’étude l’a conduit à ménager ses ressources vitales déployées dans le domaine intellectuel et non dans les plaisirs charnels.
Le désir de sagesse est donc présenté comme un désir de conservation de soi, de prolongation de sa vie, une sorte d'élixir de jouvence.
Raphaël rejette ce mode de vie. Il a pratiqué l'étude qui l’a mal payé en retour puisqu’il a vécu dans la misère et dans la solitude. Il choisit donc le vouloir et le pouvoir.
Le vouloir et le pouvoir sont présentés par l’antiquaire avec la métaphore du feu : le premier brûle, le second détruit.
Si l’on parle de feu, on peut alors comprendre l’emploi des termes métaphoriques : la combustion, la chaleur, la vapeur : ils appartiennent au vocabulaire issu des sciences physiques. On sait que Balzac a voulu parler de l’homme comme d’un élément doté d’énergie comme la nature.
Une liaison est à effectuer entre vouloir et pouvoir : il faut voir un glissement du premier vers le second : le vouloir se transforme, se convertit en pouvoir comme le désir en réalisation.
Mort
Balzac fait le lien entre le désir et la mort.
Le désir brûle en effet les ressources vitales, ce qui est fort bien exprimé par un critique* :
“On ne peut comprendre la signification profonde d’une oeuvre comme la Peau de chagrin sans se rappeler que Valentin est un être qui n’est pas simplement condamné à mourir, mais qui est condamné à subvenir de moment en moment à la continuation de sa propre existence par des actes qui impliquent la diminution correspondante de cette existence.”
Dans cette perspective, Balzac considère qu’exister, c’est désirer et désirer, c’est mourir un peu tous les jours.
La seule solution serait de s’empêcher de désirer et de vivre en économisant ses fonctions vitales.
C’est ce qu'essaye de faire Raphaël dans la troisième partie du roman, en vain.
Nous verrons dans l’article suivant une application du désir dans le domaine de l’amour : le rôle des passions.
repère à suivre : le rôle énergivore des passions