Analyse-Livres & Culture pour tous
27 Janvier 2023
Au XVIIe siècle, l’équilibre constitue un idéal de forme, il n’y a pas de référence à l’énergie, sauf pour évoquer la religion avec la création du monde. Son émergence au siècle des Lumières entraîne une nouvelle conception du monde qui rompt définitivement avec cet équilibre…
repère : “la peau de chagrin” de Balzac : la vision énergétique
Dans un article précédent, nous avons proposé la problématique dans le cadre des deux parcours officiels : comment Balzac conçoit-il sa propre vision énergétique ?
Nous devons nous intéresser à l'histoire littéraire et aux points suivants pour situer Balzac dans cette perspective énergétique :
- qu’entend-on par énergie ? (Hésiode)
- l'idéal du classicisme et l’énergie,
- Les romans de l’énergie au XVIIIe siècle.
Le roman de l’énergie n’existe à proprement parler qu’à partir du XVIIIe siècle. Cela ne veut pas dire que l’énergie n’est pas évoquée auparavant : elle appartient seulement à un champ délimité : la religion.
L’énergie, force primordiale, est assimilée au pouvoir de Dieu, du créateur dans le mythe de la formation du monde. Dieu constitue donc la source parfaite d’énergie et la littérature religieuse reprend abondamment ce thème. Par voie de capillarité, la nature, en tant que création divine, est elle aussi dotée d’une énergie. On lui attribue à ce titre un caractère hautement sacré traduit couramment dans la poésie...
Cela signifie a contrario que cette énergie est hors de portée des hommes ; imparfaits, ces derniers sont mus par leurs passions aveugles qui les détournent de leur salut : ils sont dans la quête de l’équilibre qui préfigure un idéal repris notamment dans la littérature. C’est un des éléments clé de l’histoire du classicisme au XVIIe siècle.
Au temps de Louis XIV, l’équilibre constitue un idéal de forme. Le mouvement existe certes, mais comme une oscillation pour se rétablir. La métaphore de la balance restitue l'idée.
Selon Michel Delon*, cet équilibre est fondé sur un ordre immuable, une hiérarchie divine, politique et sociale acceptée, des règles strictes (notamment dans le théâtre avec les 3 unités), des valeurs de tempérance, sur la recherche de rationalité.
Dans cet esprit, l’équilibre exige la clarté.
Cette dernière est recherchée sur le plan littéraire dans les traités (cf. Bossuet) ou dans les œuvres de fiction que ce soient des romans (cf. La Princesse de Clèves de Madame de La Fayette, ou des pièces de théâtre, comédie ( Molière) ou tragédie (Corneille, Racine).
Sur le plan philosophique, la raison est valorisée et doit amener l’homme à maîtriser ses passions qui les conduisent à sa perte. (cf. Pascal)
On a ainsi créé un modèle idéal : l’honnête homme.
L’honnête homme
L’honnête homme est un concept définissant un homme de cour : il s’habille avec élégance et il est toujours d’humeur égale. Il n'y a rien de ridicule en lui ; il possède une conversation digne du plus grand intérêt. Depuis des années, il s'est soumis à une discipline éprouvée. Sa formation mondaine et intellectuelle a été parfaitement soignée. Rien n’a été laissé au hasard. Tout est donc parfaitement ordonné.
Un tel honnête homme refuse de se mettre en avant, à la fois par discrétion et par rejet de toute forme de pédantisme : il cherche, au contraire, à mettre en valeur autrui par une droiture de cœur et une sociabilité toute aristocratique.
Energie
L’émergence de l’énergie appliquée à l’homme surgit durant le siècle suivant, celui des Lumières.
Il entraîne une nouvelle conception du monde qui rompt avec cet équilibre idéalisé : en effet, le mouvement pénètre en force et envahit tout l’espace ; il déstabilise tout sur son passage, comme nous le verrons dans l’article suivant.
sources : Michel Delon, l’idée d’énergie au tournant des Lumières (1770-1820) PUF littératures modernes
https://www.espacefrancais.com/etre-honnete-homme-au-xviie-siecle/
repère à suivre : qu’est-ce qu’un roman de l’énergie avant Balzac ?