Analyse-Livres & Culture pour tous
31 Octobre 2022
La question du genre littéraire des deux livres de Colette pour le bac mérite qu’on s’y intéresse : sont-ils des autobiographies ? Le livre Les Vrilles de la vigne est un recueil d’articles de presse et n’est pas une écriture du moi, même si l'on y retrouve des souvenirs personnels. Si Sido convoque la subjectivité, on ne retrouve pas la triple identité entre l’auteur, le narrateur et le personnage : c’est un hymne au monde, un monde colettien.
repère : bac : présentation générale
Dans le cadre de notre dossier consacré à Colette, nous vous proposons une présentation et une analyse de l'œuvre selon la progression suivante :
1.présentation des œuvres :
2.analyse linéaire des passages suivants :
Aujourd'hui nous allons examiner le genre littéraire de ces deux livres.
Le parcours du bac nous invite à étudier les deux œuvres de Colette, Sido et Les vrilles de la vigne, rattachées à la catégorie : roman et récit du Moyen Âge au XXIe siècle. Si l’auteure a écrit des romans (les Claudine, le blé en herbe etc…), les deux œuvres au programme échappent à ce genre. Ce sont de purs récits.
Qu’est-ce qu’on entend par récit ?
On définit par là le fait de raconter à l’écrit ou à l’oral des événements ayant existé dans le passé. Le récit concerne donc l’exposé de souvenirs.
Il y a nécessairement une part d’arbitraire dans la manière de présenter les faits et dans la volonté d'exhumer tel souvenir plutôt qu’un autre.
Sido et Les vrilles de la vigne sont-ils des autobiographies ?
Le premier récit, Les vrilles de la vigne, n’a pas été rédigé à cette fin puisqu’il s’agit de réunir différents articles de presse dans un même ouvrage : on trouve des fragments de vie distillés ça et là, mais sans but autobiographique. On aurait tort d'étudier cette œuvre en fondant son analyse sur la vie de l'auteure puisque cela n'a jamais été son objectif...
Cette question concernerait, en réalité, davantage Sido. Voyons ce qu’il en est précisément.
Le récit de soi, dans le champ littéraire, exige la réunion de critères précis édictés par Philippe Lejeune* :
L’objet doit concerner le récit d’une vie : de convention entre le lecteur et l'auteur, il s’agit bien d’une écriture du moi dans Sido. Mais il faut examiner les autres exigences.
Il s’agit de l’écriture de souvenirs, compris comme un passé remis au jour. Dans Sido, c’est bien le cas même si Colette ne respecte pas un ordre logique ni aucune chronologie.
Sur ce dernier point, elle décide d’évoquer la seule période de ses douze ans. On peut ainsi dire que ce choix lui permet de laisser libre cours à la manifestation de sa liberté d’auteure : elle évoque son passé comme elle l’entend, sans aucune contrainte narrative.
C’est justement cette condition qui fait défaut dans Sido. Colette n’a pas voulu faire un récit autobiographique. Elle écrit pour renouer avec son passé, mais ce n’est qu’un simple moyen et non un but ultime. Elle le transforme, le sublime, lui donne une perspective conforme à la femme qu’elle est devenue. Il n’y a donc pas identité entre :
- l’auteure : l’écrivaine, maîtresse de sa plume,
- la narratrice : Colette, enfant revue et corrigée à l’aune du présent,
- et le personnage de son enfance : la Colette du passé.
Colette crée donc une œuvre littéraire autonome, distincte de sa propre vie.
Nous sommes dans le cadre d’une réécriture impliquant un travail du fond et de la forme dans un but précis. Lequel ?
Loin d’être un récit purement autobiographique, Sido constitue en réalité un hymne au monde, au monde de Colette convoqué et entièrement recréé.
Dans l’article suivant, nous verrons la problématique sur laquelle se fonde notre dossier.
Source : Philippe Lejeune, Le pacte autobiographique, le Seuil, 1975, Poétique, réédition Points 1996
repère à suivre : l’idéalisation créatrice