Analyse-Livres & Culture pour tous
28 Juin 2022
L’impossibilité de dire aux autres justifie le recours par Jean-Luc Lagarce aux monologues où l’on ne peut pas être justement interrompu. Il permet aussi d’accéder à une forme de vérité.
repère : JL Lagarce : analyse
Dans l’article précédent, nous nous sommes intéressés à la crise du langage tout en rappelant la problématique choisie : en quoi ce drame est-il placé sous le signe de l’étrangeté ?
Nous avons analysé la violence perceptible dans cette pièce. Nous allons aujourd’hui voir l’importance des monologues dans cette pièce. Il nous suffit d’effectuer un décompte et de tenter de comprendre l’intérêt de ce procédé dans la stratégie dramatique.
Voyons l’importance que Jean-Luc a précisément consacrée à ces débats intérieurs : on peut voir qu’il en a intercalé 6 entre les scènes outre le prologue et l’épilogue : c’est dire le rôle fondamental joué par le monologue dans la dynamique de cette pièce.
partie 1, scène 3 : monologue de Suzanne :
partie 1, scène 5 : monologue de Louis,
partie 1, scène 8 : monologue de la mère menant à un dialogue avec son fils,
partie 1, scène 10 : monologue de Louis,
partie 2, scène 1 : monologue de Louis,
On note que pour Catherine et Antoine, le dramaturge a opté non pour le monologue, mais pour la tirade.
Catherine et Antoine, l’une effacée et l’autre colérique, sont deux personnages qui ont besoin d’une discussion déjà lancée pour parler. Ils ne se livrent pas d’eux-mêmes.
Leur couple fonctionne en outre en un duo se cherchant souvent querelle, se coupant la parole etc.. mais c’est un couple qui s’aime. Catherine soutient et plaide la cause de son mari (1ère partie, scène 6).
Antoine, le cadet, est le plus ombrageux des enfants et la colère qu’il porte en lui l’empêche de se livrer spontanément. On a vu précédemment la violence larvée et enfin exprimée au fil des trois faces à faces des deux frères comprenant les longues tirades du cadet.
L’auteur a choisi d’intercaler entre les scènes de duo ou de trio ou lorsque toute la famille est réunie des monologues.
Pourquoi ?
Il faut revenir à la communication dans cette famille où l’on parle finalement de tout et de rien et donc de ce qui n’est pas l’objet des retrouvailles ; cette impossibilité à dire justifie le recours au monologue où l’on ne peut pas être justement interrompu.