Analyse-Livres & Culture pour tous
21 Juin 2022
Ce titre pose question, il porte en lui une référence apocalyptique que Jean-Luc Lagarce atténue avec l’emploi de l’adverbe “juste” qui produit un effet de litote.
repère : JL Lagarce : présentation
Dans l’article précédent, nous avons rappelé que notre étude consacrée au drame de Jean-Luc Lagorce est fondée sur la problématique suivante : en quoi ce drame est-il placé sous le signe de l’étrangeté ? Nous avons examiné la structure interne de la pièce, voyons aujourd’hui le choix de ce titre étrange.
Ce titre pose question, car il ne correspond pas à un nom de personnage, à un lieu ou à évidemment l’action en cause. Il est proprement énigmatique.
Dans le texte pour voir si l’expression figure, on relève une référence voilée à la scène 10 de la 1e partie exprimée par Louis lui-même :
“c’est que le reste du monde disparaîtra avec soi,
que le reste du monde pourrait disparaître avec soi,
s'éteindre, s’engloutir et ne plus me survivre. ” (ligne 10)
L’auteur entend donc lier la disparition de Louis avec la fin du monde. Mais qu’est-ce que la fin du monde ? A quoi fait-elle référence ?
Dans la Bible, la fin du monde évoque le champ lexical de l’apocalypse. En effet, la fin des temps ouvre le moment du jugement dernier par lequel Dieu récompense les hommes bons par le Paradis et renvoie les hommes mauvais aux enfers. L’auteur ne conserve que l’engloutissement du monde dans une fin définitive sans recourir à la deuxième partie.
Que peut donc signifier cette référence ?
Il faut voir dans cette expression une métaphore de la mort de tout homme comme un événement tragique pour l’humanité.
Il reste que le titre repose sur un adverbe “juste” qui lui donne un tout autre sens.
L’adverbe “juste” signifie “seulement” ou “exactement”; il est employé à partir de l’intermède et dans la deuxième partie dans les passages suivants :
“j’entends juste les bruits” (intermède, scène 1)
“Juste là, tout près, on peut me mettre la main dessus” (intermède, scène 8)
“C’est juste une idée mais elle n’est pas jouable” (2e partie, scène 1)
“je disais juste qu’on pouvait l’accompagner” (2e partie scène 2)
Dans la formulation “Juste la fin du monde”, c’est le sens “seulement” qui prévaut. Et on constate que cela produit un effet d’atténuation et donc de litote qui contrebalance le caractère tragique.
Cet ajout ramène donc la mort à quelque chose de finalement moins grave.
S’agissant d’une œuvre très personnelle, on ne peut exclure l’ironie de l’auteur vis à vis de sa propre mort.
Dans l’article à venir, nous entrerons dans l’analyse linéaire du prologue.
repère : l’analyse linéaire du prologue de “Juste la fin du monde” (Lagarce)