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Analyse-Livres & Culture pour tous

Gazette littéraire

Etude de la structure de “juste la fin du monde” (Lagarce)

Dans “Juste la fin du monde”, Jean-Luc Lagarce adopte une structure romancée, mais aussi dramatique ainsi qu'il en résulte du choix des termes et de l’organisation interne de son texte. Le registre du drame comporte un schéma narratif dont la résolution du conflit ne se joue que par le départ du protagoniste qui jamais ne révèle l’objet de sa venue…

Etude, structure de “juste la fin du monde”, Lagarce, parties, scènes, prologue, épilogue

 

repère : JL Lagarce : présentation

Dans l’article précédent, nous avons indiqué le sommaire de notre étude consacrée au drame de Jean-Luc Lagorce et particulièrement la problématique : en quoi ce drame est-il placé sous le signe de l’étrangeté ?

On peut voir cet aspect étrange dans la composition de cette pièce qui relève d’une structure mi romanesque mi théâtrale. Reprenons ces points. 

"Décousu"

L’auteur a indiqué avec ironie que sa pièce était "décousue"  et n’était ainsi qu'une “série de monologues mis bout à bout” (“Ici ou ailleurs” p.161 cf. préface Jean-Pierre Sarrazac à la pièce). 

Ce n’est évidemment pas aussi simple. Il convient pour s’en convaincre de revenir à la composition de ce drame qui se décompose en :

  • un prologue
  • une 1ère partie : arrivée : avec 11 scènes : 
  • Intermède comprenant  9 scènes
  • 2e partie : le départ : avec 3 scènes
  • un épilogue

On voit bien que la pièce adopte une structure romancée, mais aussi dramatique. 

Roman

La pièce adopte une structure romancée avec le choix des termes.

Ainsi l’auteur mentionne expressément un “prologue” et un “épilogue” qui enserrent deux “parties”. Ces dernières pourraient s’apparenter à des chapitres à l’intérieur desquels on trouve de nombreux monologues, soit autant de focalisations internes.

On peut aussi considérer le registre du drame qui comporte en lui-même un schéma narratif avec les éléments suivants :

  • situation initiale : vie du quatuor qui se retrouve un dimanche,
  • élément perturbateur : l’arrivée du fils aîné qui vient pour annoncer sa mort,
  • péripéties : choc du retour vécu par les différents protagonistes,
  • résolution du conflit : départ. 

Le départ constitue la seule solution pour le protagoniste principal de l’action, Louis. Voyons maintenant la pièce sous l’angle de ses codes habituels.

Théâtre

Jean-Luc Lagarce a repris les codes théâtraux classiques. Il utilise une partie du vocabulaire applicable en la matière :  “prologue”, “scènes”  ; en revanche, il n’a prévu aucune didascalie et donc aucunes consignes de jeu.

Le prologue est habituellement utilisé depuis l’époque hellénistique, qui confiait au chœur, tiers à la pièce, la mission d’exposer la situation. En l'occurrence, c’est Louis, le protagoniste de l’action, qui expose le propos.

On relève en outre une unité de temps puisque l’action se déroule en une seule journée, “un dimanche” (cf début de la pièce).

Ensuite, une unité de lieu est à relever, car le siège de ce huis clos est fixé dans la maison familiale. 

L’unité d’action est là encore respectée, elle est fixée sur la question de l’annonce de la mort de Louis. Mais le conflit n’est pas résolu, alors qu’il devrait l'être dans une pièce classique. Dans Juste la fin du monde, Louis choisit justement de se taire.

On note enfin que la structure de la pièce ne repose pas sur un schéma équilibré entre les deux actes  : 11 scènes / 3 scènes. On note plus de scènes pour l’arrivée avec l’annonce laissée en suspens que pour le départ où il n’est plus temps de dire.

Si l’on entre dans le détail, on peut peut même considérer que la pièce aboutit graduellement à de moins en moins de scènes, lorsqu’on prend en compte l’intermède avec 9 scènes, on obtient 11/9/3. Qu’est-ce qu’on peut en déduire ? 

On note ainsi un ralentissement de l’action qui correspond à l’impossibilité pour le héros principal de délivrer son message et qui conduit à son prompt départ. 

Dans un prochain article, nous verrons le curieux choix du titre de la pièce.

repère à suivre : Juste la fin du monde (Lagarce) : analyse du titre 

source : Jean-Pierre Sarrazac, préface à Juste la fin du monde, p 14

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