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Analyse-Livres & Culture pour tous

Gazette littéraire

Jeu de miroir dans la déclaration des droits de la femme (Olympe de Gouges)

Dans la déclaration des droits de la femme (DDFC), on peut se demander comment la démonstration d’Olympe de Gouges vise à obtenir de l’homme les mêmes droits pour la femme. L’auteure adopte une argumentation directe et inductive en se fondant sur le registre polémique et didactique.

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repère : Olympe de Gouges : analyse

Dans l’article précédent, nous avons rappelé le cadre de l’analyse de notre problématique : la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne (DDFC) est-elle un simple exercice symétrique parodiant la déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 (DDHC)? 

Nous avons tenté d’y répondre par l’affirmative en mettant en évidence l’exercice symétrique effectué par Olympe de Gouges, mais qui va finalement bien au-delà ainsi que nous le verrons dans le détail. 

Un exercice en miroir

Aujourd’hui, nous verrons l’exercice en miroir proprement dit dans la déclaration des droits de la femme qui comprend un jeu de miroir interne qui nécessite toute notre attention.

La déclaration des droits de la femme n’est certes pas au programme proprement dit, mais elle éclaire néanmoins les intentions de l’auteure. Nous allons l’étudier de manière linéaire en recourant à la méthode des 6 GROSSES CLEFS ©

La problématique qui se pose est celle de savoir : comment la démonstration d’Olympe de Gouges vise à obtenir de l’homme les mêmes droits à la femme ?

On assiste à une argumentation directe en miroir opposant l’homme et la femme, mais également le genre humain avec le règne de la nature. Olympe de Gouges agit en procédant par une argumentation inductive en trois temps selon les mouvements suivants :

  • l’interpellation de l’homme,
  • l’invocation des lois de la nature,
  • l’homme, l’exception de la nature

“HOMME, es-tu capable d’être juste ? C’est une femme qui t’en fait la question ; tu ne lui ôteras pas du moins ce droit. Dis-moi ? Qui t’a donné le souverain empire d’opprimer mon sexe ? Ta force ? Tes talents ? Observe le créateur dans sa sagesse ; parcours la nature dans toute sa grandeur, dont tu sembles vouloir te rapprocher, et donne-moi, si tu l’oses, l’exemple de cet empire tyrannique. /

Remonte aux animaux, consulte les éléments, étudie les végétaux, jette enfin un coup d’œil sur toutes les modifications de la matière organisée ; et rends-toi à l’évidence quand je t’en offre les moyens ; cherche, fouille et distingue, si tu peux, les sexes dans l’administration de la nature. Partout tu les trouveras confondus, partout ils coopèrent avec un ensemble harmonieux à ce chef-d’œuvre immortel./

L’homme seul s’est fagoté un principe de cette exception. Bizarre, aveugle, boursouflé de sciences et dégénéré, dans ce siècle de lumières et de sagacité, dans l’ignorance la plus crasse, il veut commander en despote sur un sexe qui a reçu toutes les facultés intellectuelles ; il prétend jouir de la Révolution, et réclamer ses droits à l’égalité, pour ne rien dire de plus./”

 

1. l’interpellation de l’homme,

On relève dans ce paragraphe une interpellation au nom de la justice, “juste”, au fond d’une vertu naturelle. Elle vise le sexe masculin, en général, avec cette mise en apposition, “homme”, nom commun au singulier, sans déterminant, donnant un effet brusque. 

Symétriquement, l’auteure s’identifie aussi par son genre, mais avec un déterminant indéfini, “une femme”, ce qui la place en défenseuse particulière de toutes les femmes “moi” “mon sexe”.

Le recours au tutoiement “es-tu” “t” induit une proximité et donc une égalité entre les deux sexes dans la prise de parole.

Cette admonestation se fait aussi sur le ton de la réprimande avec une succession de phrases interrogatives. La première est fermée avec la seule possibilité de répondre oui/non : “es-tu capable d’être juste ?” ; la deuxième question est redondante avec cette brève formulation “Dis-moi ?”.  S’ensuit une interrogation cette fois ouverte impliquant une réponse complexe :”Qui t’a donné le souverain empire d’opprimer mon sexe ? On mesure qu’elle est toute rhétorique, car  Olympe de Gouges y répond d’emblée à l'aide de deux phrases interrogatives non verbales “ Ta force ? Tes talents ? “, on note le rythme binaire marquant une limitation de réponses ; la réponse se fonde sur l’opposition entre “la force” évoquant de manière péjorative une qualité physique et “les talents” faisant appel aux qualités intellectuelles, cette fois, positives de l’homme. Mais l’interrogation d’Olympe en guise de réponse  induit en fait le doute.

On assiste en outre à une rupture avec le changement de temps. Le présent de l’indicatif “es-tu” “fait”  implique une permanence dans le questionnement qui s’oppose au passé composé “a donné” et au futur "ôteras" : ces trois temps évoquent le cycle de la vie et ainsi la permanence de l’injustice dans le temps faite à la femme. Olympe rompt brusquement en adoptant -cette fois-un autre mode, celui de l’impératif que l’on retrouvera dans tout le texte “observe” “parcours” “donne-moi”: il s’agit d’un ordre précis et limité qu’elle adresse à l’homme avec ce rythme ternaire. On relève qu’elle renvoie l’homme à une expérimentation sensible reposant sur la vue  convoquée dans le texte “observe” renvoyant à “oeil”. 

Le registre de ce texte est polémique avec des mises au défi ”si tu l’oses,”  que l’on retrouve aussi dans le paragraphe suivant “quand je t’en offre les moyens”. Ce registre repose aussi sur le champ lexical de la domination “empire, “opprimer”, ”tyrannie” “créateur”et également “despote” que l’on retrouve dans la fin du texte. 

2. les lois de la nature

C’est en effet par l’étude de la science de la nature, matière phare au XVIIIe siècle, que la justification de la domination peut être validée ou invalidée. Elle procède par une démarche inductive, c'est-à-dire à partir d’observations sur le terrain pour aboutir à des conclusions générales.

Elle s’appuie sur des verbes de mouvements opposés, horizontaux et verticaux, “remonte“ ”consulte” “étudie”, “”cherche””fouille””distingue” ;  tout ce vocabulaire appartient au champ lexical de l’expérimentation biologique. Le registre se veut ainsi didactique avec les verbes de savoir pratique. 

Cette recherche est vaste puisqu’elle inclut le domaine vivant “matière organisée “ dans sa partie zoologique, “animaux”et et végétale, ”végétaux”;

Mais dans l’esprit d’Olympe de Gouges, cette expérimentation ne constitue pas en soi un travail de longue haleine, puisque le résultat saute aux yeux avec l’emploi de deux noms “coup d’oeil” “évidence”. Elle met donc au défi l’homme de “distinguer” les sexes dans l’ordre naturel, solution impossible selon elle.

C’est alors que l’auteure délivre son argumentation directe selon laquelle il n’existe pas de séparation des sexes. Pour elle, l’union du masculin et du féminin est universelle avec la répétition de l’adverbe “partout”. Elle emploie la même redondance avec l’attribut du pronom “confondus”, avec le verbe “coopère”. Elle achève sa démonstration avec l'emploi de deux groupes nominaux “ensemble harmonieux” “ce chef-d’œuvre immortel”.

3. l’homme, l’exception de la nature

Dans ce dernier paragraphe de la démonstration, Olympe de Gouges reprend le nom commun “homme”, cette fois, avec le déterminant défini “l” qui donne un aspect universel à cette interpellation du genre masculin.  

Elle entreprend de faire découler de cette observation scientifique des droits naturels au bénéfice du sexe féminin.

Pour ce faire, l’auteure inverse l’ordre des choses en sortant l’homme du champ de la nature puisqu’il est réduit à n’être qu’une “exception”. Et pire, on mesure dans cette formulation elliptique le mensonge de l’homme qui repose sur le fait qu’il en fait une vérité “un principe”. 

C’est évidemment dans un sens péjoratif que ce jugement est posé avec l’emploi du verbe “s’est fagoté” donnant un aspect de bricolage maladroit qui ne tient plus. La polémique devient virulente du fait de l'utilisation d’adjectifs injurieux avec une gradation descendante “ bizarre, boursouflé, dégénéré”. 

Elle oppose le siècle d’effervescence “siècle de lumière” “sagacité” à l’ignorance la plus crasse” dans laquelle l’homme reste délibérément attaché et qui l’oppose à l’intelligence de la femme avec la périphrase “qui a reçu toutes les facultés intellectuelles”. 

C’est une critique acerbe de l’injustice des hommes “il veut” “il prétend”, deux verbes illustrant les faux semblants qui n’ont plus cours. Son égoïsme est aussi stigmatisé “ses droits” alors que les femmes n’en ont aucun avec l’adverbe négatif “rien”.

La dernière formulation joue de manière saisissante sur le contraste entre la forme affirmative “il prétend jouir …et réclamer” et la forme négative au travers de la proposition infinitive “pour ne rien dire de plus”. On note la double opposition avec “rien” et “plus” voulant signifier l’absence de sens de ces droits consentis à une partie du genre humain. 

L’attente des femmes repose sur le même verbe “dire” déjà exprimé au début de ce texte “dis-moi” et “ne rien dire” : ce verbe joue un rôle déclaratif et performatif en donnant aux femmes les mêmes droits que ceux des hommes.

Dans l’article suivant, nous analyserons le préambule

repère à suivre : analyse du préambule de la déclaration des droits de la femme

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