Analyse-Livres & Culture pour tous
3 Février 2022
Marguerite Yourcenar a fait preuve d’originalité, par rapport aux modèles du 2e siècle en choisissant de combiner un genre littéraire, l’épistolaire, avec un autre genre, l’autobiographie. Elle donne à cette œuvre le nom de « Mémoires imaginaires ».
Repères : mémoires d’Hadrien : présentation
Dans l’article précédent, nous nous sommes intéressés aux différents problèmes que l’élaboration de cette œuvre a suscités. Il convient aujourd'hui de voir le projet voulu et pensé par Marguerite Yourcenar dans Mémoires d’Hadrien.
L’auteure a conçu un projet ambitieux, celui d’une reconstitution de mémoires d’un personnage historique vivant au 2e siècle après J-C. Dix-huit siècles séparent l’écrivaine de l’empereur Hadrien, c’est-à-dire un large fossé d’ordre culturel.
Pour tenter de le combler, l’auteure passionnée par la période historique a puisé notamment dans des sources qu’elle liste dans ses notes :
Il reste qu’au vu de cette riche documentation, l’auteure pose un regard lucide sur la « vérité historique » de son projet. Elle affirme qu’il est impossible de penser comme les personnages d’une époque révolue.
Il ne peut s’agit que d’une « interprétation » :
« Ce qui ne signifie pas comme on le dit trop que la vérité historique soit toujours et en tout insaisissable. Il en va de cette vérité comme de toutes les autres : on se trompe plus ou moins. » (CDN page 331)
Comment sortir de cette impasse ?
Marguerite Yourcenar a un projet en tête qu’elle mènera finalement au bout :
« Refaire du dedans ce que les archéologues du XIXe siècle ont fait du dehors » (CDN page 327).
Pour cela, elle choisit une narration précise, les mémoires, qu’il faut remettre dans le contexte du 2e siècle après J-C.
Dans l’Antiquité, les mémoires existent, mais comportent un sens distinct : il s’agit de comptes rendus officiels ou d’ouvrages de propagande. Cela ne correspond pas au choix de Marguerite Yourcenar comme nous le verrons dans l’article suivant.
Par ailleurs l’auteure a puisé dans le genre autobiographique qui existe aussi à l’époque. Dès la République, on trouve, en effet, des fragments autobiographiques, des accents individuels apparents souvent dans des lettres.
Il reste que le genre épistolaire n’existe pas dans la littérature latine.
Il ressort de ce qui précède que Marguerite Yourcenar a donc fait preuve d’originalité, par rapport aux modèles littéraires du 2e siècle.
Elle choisit de combiner un genre littéraire, l’épistolaire, avec un autre, l’autobiographie.
Elle donne à cette œuvre le nom de « Mémoires imaginaires ».
En agissant ainsi, elle accepte la part d’anachronisme de son livre. Elle entend néanmoins mettre en place un pacte autobiographique comme nous le verrons dans l’article suivant.
Sources
Yourcenar, Carnets de notes de Mémoires d’Hadrien, folio (CDN)
Anne-Yvonne Julien, Écriture de soi dans les Mémoires d’Hadrien, Belin Sup
Repère à suivre : le pacte autobiographique