Analyse-Livres & Culture pour tous
3 Février 2022
Reposant sur une structure pyramidale qui suit ainsi les étapes de la vie de l’empereur, le livre comprend en premier lieu une épigraphe (courte citation en tête du livre) comportant des vers attribués à l’empereur pour se clore, en dernier lieu, sur une épitaphe (inscription funéraire) d’Hadrien. Entre ces deux extrémités, Marguerite Yourcenar a segmenté en six parties la vie du souverain en fonction d’un rythme allant crescendo pour arriver à un point d’orgue avant d’aboutir à un decrescendo conduisant vers la mort de son personnage.
Repères : mémoires d’Hadrien : présentation
Dans l’article précédent, nous avons analysé le genre littéraire de Mémoires d’Hadrien. Aujourd’hui, nous verrons la structure formelle du livre.
On sait que Mémoires d’Hadrien ont été publiés en 1951. Marguerite Yourcenar leur a adjoint en 1953 ses propres carnets de notes qui donnent la vision globale du projet qu’elle a mené. Ces deux opus forment ainsi un ensemble indissociable.
L’auteure a choisi un récit chronologique qui suit ainsi les étapes de la vie de l’empereur : les années de formation, l’accession au pouvoir, l’exercice du pouvoir et sa mort. Elle explique précisément le plan choisi :
« L’histoire d’Hadrien comme une espèce de construction pyramidale : la lente montée vers la possession de soi et celle du pouvoir ; les années d’équilibre suivies de l’enivrement qui est aussi le grand moment, si vous voulez, puis l’effondrement, la descente rapide ; et de nouveau la reconstruction à ras de terre des dernières années. » (YO page 101)
Le livre est extrêmement construit ; il repose sur une structure pyramidale sur laquelle il faut nécessairement s’arrêter.
Il comprend en premier lieu une épigraphe (courte citation en tête du livre) comportant des vers attribués à l’empereur pour se clore, en dernier lieu, sur une épitaphe (inscription funéraire) d’Hadrien.
Entre ces deux extrémités enserrant le livre, Marguerite Yourcenar a constitué six parties.
Ce choix résulte d'une volonté de segmenter la vie du souverain en fonction d’un rythme allant crescendo avec son ascension pour arriver à un point d’orgue avec ses amours pour aboutir à un decrescendo conduisant vers la mort du personnage.
Pour le choix du titre de ses parties, elle a eu recours aux inscriptions (devises) figurant sur les pièces émises durant le règne d’Hadrien.
Reprenons plus précisément, si vous le voulez bien, la structure de ce livre.
Pour comprendre ce livre, il faut voir comment il se décompose : on compte, comme vous pouvez le constater, 8 repères clés :
- Une épigraphe,
- Six parties avec les intertitres latins suivants :
- excipit : épitaphe d’Hadrien
Cette construction est en miroir : les parties se répondent ainsi que nous le verrons ci-après.
Le livre comprend tout d'abord une épigraphe qui est une courte citation en tête du livre :
« animula vagula blandula,
hospes comesque corporis
quae nunc abibis in loca
pallidul, rigida, nudula,
nec, ut soles, dabis iocos.»
Il s’agit de vers attribués à Hadrien traduits comme suit :
« Petite âme, âme tendre et flottante,
compagne de mon corps,
qui fut ton hôte, tu vas descendre dans ces lieux pâles, durs et nus,
où tu devras renoncer aux jeux d'autrefois. »
(traduction de M. Yourcenar)
Cette 1e partie constitue en réalité un préambule : l’empereur Hadrien s’adresse une dernière fois à son petit-fils adoptif : « Mon cher Marc… » : atteint d’hydropisie (maladie résultant de l’épanchement de liquide dans le corps), il évoque longuement sa maladie. Il détermine aussi l’objectif de cette lettre comme nous le verrons de manière analytique dans un article à venir. On retrouve le premier vers dans l'excipit de ce roman;
Cette partie correspond à la période de la jeunesse d’Hadrien jusqu’à devenir empereur. Le titre évoque le fait qu’il a rempli différents rôles comme au théâtre.
Tellus stabilita (la terre pacifiée)
L’empereur cherche à faire débuter son règne par la paix qu’il conclut au cours de ses nombreux voyages dans l’empire. C’est une démarche qui le distingue de son prédécesseur Trajan, amateur de guerres, auquel il offre néanmoins un triomphe. Cette partie est écrite en miroir au regard de disciplina augusta.
Saeculum aureum (le siècle d’or)
La passion pour Antinoüs, le grand amour de l’empereur, est au cœur de cette troisième partie. Le titre évoque ainsi la période heureuse dans la vie d’Hadrien, le point d’orgue, qui s’achève tragiquement par la mort de son amant et le deuil impossible du souverain.
Disciplina augusta (la discipline d’Auguste)
Hadrien entre dans la période sombre de sa vie où il éprouve plus de difficultés dans l’exercice de son pouvoir. Le titre indique qu’il s’astreint à une discipline pour endurer les nombreux problèmes politiques qui règnent dans l’empire d’autant que sa santé lui donne des soucis avec les premiers signes de l’hydrophisie. Cette partie répond à celle de Tellus stabilita puisqu’il s’agit de l’exercice du pouvoir dans les différents coins de l’empire.
Patientia (patience)
Il règle ses dernières volontés. Le titre fait référence à l’attente de la mort dans un état d’esprit apaisé : « Tâchons d’entrer dans la mort les yeux ouverts ».
Patienta est déjà à l’œuvre dans disciplina augusta et tellus stabilita. On peut noter aussi in fine la reprise du vers de l’épigraphe : « Petite âme, âme tendre et flottante »
Excipit : une épitaphe (inscription funéraire) figurant sur le mausolée d’Hadrien à Rome (devenu le château saint-Ange) : vous pouvez vous rendre compte du type de bâtiment avec le tour virtuel.
Dans l’article suivant, nous apporterons quelques éléments historiques nécessaires pour la compréhension de ce livre.
repère à suivre : données historiques et géographiques de « mémoires d’Hadrien » (Yourcenar)