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Analyse-Livres & Culture pour tous

Gazette littéraire

Le genre littéraire : le fragment ("Les Caractères" La Bruyère)

Parcours Comédie sociale Les Caractères de La Bruyère sont devenus un genre littéraire à part entière, distinct des maximes. Ils sont en effet composés de fragments, d’énoncés discontinus fondés sur une technique d’observation aboutissant à un jugement moral.

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repère : la comédie sociale : présentation

Dans l’article précédent, nous avons expliqué le choix du titre du livre. Aujourd’hui, nous  nous intéresserons à son contenu. Pour cela, nous allons l’ouvrir ensemble et noter les premières remarques qui nous sautent aux yeux avant de définir son genre.

Paragraphes

On peut relever la présence de paragraphes de taille variable qui se suivent sans lien apparemment entre eux.

Ces paragraphes sont composés de réflexions avec des tournures générales.

On note aussi de nombreux portraits de personnes affublées de prénoms de l’antiquité grecque.

Par ailleurs, il faut nous reporter à la fin de l’ouvrage pour consulter la table des matières. Cette démarche nous renseigne sur l’intention même de l’auteur ; elle nous en donne une vue d’ensemble. C’est ainsi qu’on relève les têtes de chapitres suivants :

Des Ouvrages de l’Esprit

Du Mérite Personnel

Des Femmes

Du Cœur

De la Société et de la Conversation

Des Biens de Fortune

De la Ville

De la Cour

Des Grands

Du souverain ou de la République

De l’Homme

Des Jugements

De la Mode

De quelques Usages

De la Chaire

Des Esprits Forts

Il nous reste à tirer des conséquences de ce que nous venons de relever.

Analyse

La Bruyère explique lui-même la démarche littéraire qu’il a entreprise :

«Ce ne sont point au reste des maximes que j’aie voulu écrire : elles sont comme des lois dans la morale, et j’avoue que je n’ai ni assez d’autorité ni assez de génie pour faire le législateur ; je sais même que j’aurais péché contre l’usage des maximes, qui veut qu’à la manière des oracles elles soient courtes et concises. Quelques-unes de ces remarques le sont [courtes et concises], quelques autre sont plus étendues : on pense les choses d’une manière différente, et on les explique par un tour aussi tout différent, par une sentence, par un raisonnement, par une métaphore ou quelque autre figure, par un parallèle, par une simple comparaison, par un fait tout entier, par un seul trait, par une description, par une peinture : de là procède la longueur ou la brièveté de mes réflexions. »

La Bruyère, préface aux Caractères

Nous allons aborder la forme de ce livre avant d’en voir le fond.

Forme

Les Caractères sont composés d’énoncés discontinus. Il s’agit d’une écriture dite fragmentaire.

a) fragments

C’est un choix stylistique qui entre dans l’esthétisme du salon littéraire où l’on discute d’un sujet à l’autre. L’esprit virevolte et fait surgir de nouvelles idées. Dans la pensée de l’auteur, la conversation est un art comme il le dit expressément :

«78

 Il me semble que l’on dit les choses encore plus finement qu’on ne peut les écrire. »

La Bruyère, Les Caractères, de la société et de la conversation

L’écriture doit dès lors conserver cet aspect spontané de la conversation et l’acuité de la remarque : c’est le projet même de La Bruyère.

Cette technique du fragment ne lui est pas propre, elle est utilisée par d’autres auteurs au XVIIe siècle. On pense à Pascal et à la Rochefoucauld.

b) remarques

Il reste que la forme employée par La Bruyère n’a rien à voir avec des maximes des moralistes susvisés. L’auteur l’exclut clairement : il écrit des « remarques ». Quelle serait donc la différence ?

On peut définir la maxime comme une formule courte prescrivant une conduite à suivre ou l’affirmation d’un jugement moral.

La remarque est fondée sur une technique d’observation qui donne lieu à un jugement. La pertinence de l’observation est le fondement des Caractères. La Bruyère occupe la place du témoin de la scène qu’il s’emploie à décrire visuellement au point de peindre de véritables portraits.

On est donc sur le terrain de la réalité. C’est sur cette approche qu’il brosse chez les hommes leurs vices et leurs ridicules.

C’est ainsi que les Caractères deviennent un genre littéraire à part entière sous la plume de La Bruyère.

Fond

Dans ce contexte, il faut aussi examiner l’intention de l’auteur dans la rédaction de son livre. Que cherche-t-il à démontrer ?

Dans l’article précédent, nous avons montré l’évolution du terme « caractères » pour en voir un aspect purement social. Il reste qu’il cherche à peindre les mœurs de son époque, mais il a également une intention universelle :

« car bien que je les tire souvent de la cour de France et des hommes de ma nation, on ne peut pas néanmoins les restreindre à une seule cour, ni les renfermer en un seul pays, sans que mon livre ne perde beaucoup de son étendue et de son utilité, ne s’écarte du plan que je me suis fait d’y peindre les hommes en général, comme des raisons qui entrent dans l’ordre des chapitres et dans une certaine suite insensible des réflexions qui les composent. »

La Bruyère, préface

Dans l’article suivant, nous verrons la philosophie morale et politique de La Bruyère.

Sources :

B. Roukhomsky, L’esthétique de La Bruyère, société d’édition d’enseignement supérieur (1997)

Doris Kirsch, La Bruyère ou le style cruel, Presse de l’université de Montréal, 1976

repère à suivre : La philosophie morale et politique de La Bruyère

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